Air France prévoit de supprimer 8000 à 10000 personnes soit 15 à 20% des employés du groupe. Grégoire Aplincourt, président du SPAF s'inquiète du fait que les prêts, qui sont pour lui de la dette à long-terme, vont faire empirer la situation de l'emploi au sein du groupe dans le futur...
Business Traveler : de nombreuses compagnies aériennes étrangères, appliquent une politique de licenciements massifs en raison de la crise sanitaire. La situation en France est-elle différente de celle des autres pays ?
Grégoire Aplincourt, Président du Syndicat des Pilotes d’Air France (SPAF) : la France a fait un choix différent, le gouvernement a décidé de favoriser le maintien de l’emploi. L’Etat a fait un prêt à Air France pour maintenir l’emploi et éviter une vague de licenciement. Le problème, c’est qu’un prêt n’est pas une aide. Ce n’est pas un sauvetage de l’emploi. Cela crée un nouveau remboursement de la dette et ça nous défavorise par rapport à la concurrence. Surtout quand des compagnies comme Ryanair constituent déjà une concurrence déloyale. Sur le long terme, l’avenir n’est pas assuré.
Business Traveler : quel est l’impact des mesures de compensations associées à cette aide ?
Grégoire Aplincourt : Air France va être obligée de perdre sa clientèle affaire. En plus des vols long-courriers supprimés (NDLR: du fait de l'épidémie), nous aurons moins de vols domestiques. Nous allons subir la suppression des escales à Bordeaux et de tous les vols sur les distances faisables en moins de 2h15 de train. Ces mesures sont faites pour baisser l’empreinte carbone (NDLR : à un coût très important car la Cour des Comptes a indiqué que que le coût public de la tonne de carbone évité est particulièrement élevé pour les LGV et que l’investissement dans les LGV ne participe que très faiblement à la politique de développement durable) tandis que nous nous endettons encore. Nous ne pourrons donc pas acheter du matériel aéronautique moderne et moins polluant.
Business Traveler : vous n’êtes donc pas satisfait du choix du gouvernement ?
Grégoire Aplincourt : la dette ne protège pas l’emploi. Air France n’a pas fait payer sa dette par les contribuables par le passé, on aurait dû sauver une compagnie qui est capable de s’auto-financer.
Les annonces qui ont été faites sont incohérentes, il faut sauver l’emploi sur le long terme. Si une rivière se creuse et que vous devez la traverser, soit vous construisez un pont, soit vous la traversez à la nage mais si vous avez un lourd sac-à-dos, il faudra vous en débarrasser. La situation est similaire, sans subvention, le trafic ne repart pas et il faut licencier pour soutenir le poids de la dette.
Business Traveler: quelles seront les conséquences des décisions du gouvernement sur l'emploì?
Grégoire Aplincourt : ces décisions auront un impact très important. A long terme, elles vont être dangereuses et vont détruire l’emploi. On ne prend pas les bonnes initiatives alors que nous avons déjà remboursé une dette de 6 milliards d'euros ces dernières années. Nous embauchons des jeunes pour contrebalancer les départs, mais la situation va très vite être bloquée.