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Interview de Michel Durrieu: «le Slow Travel correspond à notre territoire»

Nous nous sommes entretenus avec Michel Durrieu, le directeur en charge du tourisme au Ministère des Affaires Etrangères suite à la parution de son livre «Tourisme, la France, Numéro 1 Mondial». Un entretien autour de l'actualité touristique du moment...

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Business Traveller France : ne pensez-vous pas que le lobbying du tourisme est bien faible par rapport à d'autres secteurs économiques en France comme dans le monde?

Michel Durrieu : Je ne pense pas que le lobbying du secteur touristique ne soit pas à la hauteur. Le poids du tourisme est très important au niveau mondial et c'est un levier incroyable pour la paix et le développement économique comme l'a montré le G20 des Ministres du Tourisme.  Le Premier Ministre Chinois a d'ailleurs déclaré que le secteur du tourisme était prioritaire. La Chine vise à terme 500 millions de touristes avec pour objectif le développement économique de la province via les flux des touristes des villes vers les régions. On voit un formidable potentiel de développement alors que le monde devrait compter environ 2 milliardq de touristes en 2030 (NDLR: 1,8 milliard exactement selon l'UNTWO) contre 1,2 milliard aujourd'hui (NDLR: en 2016).

Business Traveller France : le monde est confronté ces derniers années à des troubles qui ont ébranlé de nombreuses destinations touristiques. Certaines agences de voyage ont beaucoup souffert. Comment faire pour y remédier?
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Michel Durrieu : tout d'abord il faut constater que ce sont les marchés traditionnels de proximité qui ont souffert (NDLR: le Maghreb…) mais le nombre de destinations touristiques dans le monde ne s'est pas réduit.
D'autres destinations en Europe ont profité de cette crise comme l'Italie, la Croatie ou le Monténegro (NDLR: l'Espagne et le Portugal également). Par ailleurs de nouvelles destinations lointaines se développent comme l'Iran ou Cuba. Mais il est vrai que les destinations dont vous parlez étaient importantes en volume, même si leurs tarifs de commercialisation étaient peu élevés (NDLR: ainsi que les marges). Les agences de voyage qui ont souffert n'étaient pas assez diversifiées. L'objectif est de parvenir à une plus grande flexibilité. Il faut aider les entreprises professionnelles pour qu'elle évoluent.

Business Traveller France : les évolutions technologiques bousculent les marchés du tourisme comme on le voit avec la plainte déposée par de nombreux acteurs envers Airbnb, les manifestations des taxis envers Uber (voir 800 plaignants deposent plainte contre airbnb et consorts). Quelle est votre position dans ce domaine?

Michel Durrieu : il faut accompagner l'évolution du marché. Le problème pour les régulateurs est de trouver le bon rythme car il y a une période d'apprentissage, d'adaptation. Les touristes demandent ce nouveau produit (NDLR: Airbnb) d'autant que 15 à 20% des lieux touristiques en France n'ont pas d'autres hébergements. De son côté, l'Etat a mis en place de nouvelles réglementations plus strictes.
Concernant Uber, il y avait également une demande qui ne trouvait pas d'offre. Pour améliorer l'attractivité des taxis, nous avons travaillé à mettre en place des forfaits et des couloirs spécifiques. Je pense que l'on peut faire vivre les deux modèles à la fois...

Business Traveller France: en parlant des transports, le RER B est un gros soucis pour les voyageurs d'affaires qui se rendent à Roissy. J'ai par exemple été bloqué plus d'une demi-heure sur la ligne il y a un mois en revenant de voyage…

Michel Durrieu : afin de fluidifier le trafic nous avons mis en place un RER B tous les quart d'heure entre Gare du Nord et Roissy depuis 2 ans, sauf quand il y de grands salons professionnels (NDLR: les trains s'arrêtent alors en sus à Villepinte). De son côté, ADP a lancé un réseau de bus en propre depuis Paris, ce qui a amélioré la desserte de l'aéroport. Et puis n'oublions pas la révolution du CDG Express qui va relier Roissy à la Gare de l'est en 2023 à temps pour les Jeux Olympiques (Paris est candidate). Par ailleurs, nous avons ciblé 20 gares stratégiques en France dont les infrastructures vont être améliorées. Cela représente 600 millions d'euros d'investissement.

Business Traveller France: et au niveau de l'aérien?

Michel Durrieu : au niveau de l'aérien, les low-cost ont permis de diversifier le trafic et d'apporter plus de touristes en province. Aujourd'hui, par exemple,  la clientèle allemande ne prend plus sa voiture. Elle vient en avion, et s'il n'y a pas de liaison aérienne, elle ne vient pas. On pousse à l'ouverture de nouvelles lignes directes vers les villes de province et non via Roissy. Certaines villes sont d'autant plus intéressantes qu'elles sont des destinations de croisière comme Lille, Marseille, Nice ou Bordeaux.

Business Traveller France: je reviens de Berlin et je peux vous dire que de nombreux petits restaurants y ont ouverts où l'on mange très bien. Le constat est similaire en Italie où l'on trouve de nombreux petits restaurants familiaux d'un très bon rapport qualité-prix. Hors certains touristes se plaignent du rapport qualité-prix des restaurants moyenne gamme parisiens…

Michel Durrieu : tout d'abord il faut noter que la gastronomie est toujours parmi les premiers critères de choix des touristes lorsqu'ils viennent en France. C'est vrai qu'ils attendent plus de la France. C'est pourquoi il faut que l'on soit irréprochables. Nous avons travaillé dans ce domaine pour repositionner la France en terme d'image pour faire prendre conscience aux professionnels des enjeux. Il faut travailler sur la qualité afin que l'impact du prix soit moins important. Et puis à Berlin, les restaurants sont fermés le dimanche…

Business Traveller France : l'image de la France a été durement touchée par les attentats, mais certains événements peuvent aussi faire beaucoup de bruit comme l'agression mortelle d'un ressortissant d'origine chinoise à Aubervilliers l'an passé. Comment réagir face à ce type d'événement?

Michel Durrieu : aujourd'hui le bruit se diffuse très vite, il faut répondre rapidement. Les grands groupes privé sont des outils de communication et nous les avons mis en place afin de gérer notre e-réputation. Il faut écouter, analyser puis répondre. C'est ce que nous avons fait vis à vis des touristes chinois. On a fait venir des tour-opérateurs chinois pour qu'ils constatent que la France est un pays sûr, on a discuter avec le Ministre du tourisme chinois qui a confiance en la France. Et puis notre nouvelle politique de vise a permis de constater une hausse de 29% des demandes de visas chinois en novembre 2016. La hausse de 0,4% du trafic de Roissy en 2016 montre le niveau de résilience de la destination France malgré les terribles attentats que nous avons connus.

Business Traveller France : nous parlions de trains tout à l'heure. Les billets sont encore chers pour les trajets transfrontaliers. De nouveaux acteurs se positionnent sur ce marché comme Trainline (reconnu récemment comme partenaire par l'Office du tourisme allemand), qu'en pensez-vous? Par ailleurs, de nombreux trains de nuit ont été supprimés en Europe ces dernières années, pourtant n'y a-t-il pas un marché pour le slow-travel comme le montre l'essor des croisières maritimes? Enfin que pensez-vous de la vogue du Slow Food mise en avant lors de l'exposition universelle de Turin en Italie, du Slow Travel?

Michel Durrieu : c'est vrai qu'il y a des progrès à faire au niveau tarifaire pour les trajets en train internationaux. De même les billets train-air sont à développer. Concernant le «Slow Travel», nous y réfléchissons. Il y a un potentiel énorme pour les voyages à pied, à vélo, à cheval, le voyage fluvial en bateau…Nous devons développer la mobilité douce, la mobilité du dernier kilomètre. Savez-vous que 95000 touristes par an visitent la vallée de la Loire en vélo? C'est un type de développement qui correspond à notre territoire.

france numero un couvertureInformations complémentaires: Michel Durrieu a occupé pendant plus de vingt ans des postes de direction dans les plus grands groupes mondiaux du secteur touristique : Nouvelles Frontières, TUI, Carlson Wagonlit Travel... Directeur, depuis 2014, de la sous-direction de la Promotion du tourisme au ministère des Affaires étrangères et du Développement international, il est aussi représentant permanent de la France à l'Organisation mondiale du tourisme.

Il vient de publier le livre, « Tourisme, la France, Numéro un mondial ». Editions dfu Cherche Midi, Hors collection : 322 pages (140x220) - 19 €

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