David Lefèvre a trouvé un prétexte, celui de rechercher une ville perdue, la cité des Césars, pour aller explorer les confins du monde: un livre en forme d'ode aux vents du sud et aux humains qui peuplent ces terres inhospitalières.
En débarquant à Santiago, David Lefèvre, décide de partir sur les routes de Patagonie pour tenter de découvrir la cité des Césars: un beau prétexte pour aller à la rencontre des habitants et de l’histoire de ces terres australes.
En Patagonie, les hommes ont toujours du lutter face aux éléments et pour leur survie à l’image de Vale qui «a passé 15 ans de sa vie sur l’île de Chiloé pendant 10 heures par jour à découper les poissons, les éviscérer en retirer les arêtes pour fabriquer les sushis japonais dans un pêcherie».
Ou de ces hommes qui ont construit la piste australe dans les années 30: «au fonds de leurs sacoches, le sucre, le sel et l’herbe à maté d’Argentine. Ensemble ils défricheront une clairière, faucheront et dégageront une clairière, lieu idéal de campement. Charge à eux de faire démarrer la vie sur ces bordures à peine cultivable.»
Des hommes à l’esprit pionnier comme dans l’Ouest américain mais avec en plus les morsures du climat.
La Patagonie a de tous temps été convoitée par les hommes malgré la rudesse de son climat
Pourtant, alors que cette terre aurait à priori tout pour rebuter les hommes, les grandes puissance ont de tous temps chercher à s’emparer de ces terres, gardiennes du Cap Horn et du détroit de Magellan.
Avec les expéditions espagnoles de Francisco de Camargo ou de Pedro Sarmiento de Gamboao au 16ème siècle, la couronne d'Espagne a voulu s'implanter sur cette terres avec parfois de cuisants échecs comme la cité du roi Philippe II dont la plupart des colons sont morts lors d'hivers rigoureux. Certains auraient pu cependant survivre en s'alliant aux indiens (voir ci-dessous).
David Lefèvre nous donne d'ailleurs des anecdotes éclairées sur Pedro Sarmiento, ce grand navigateur espagnol,capturé par les anglais qui meurt au Portugal. Son destin, s'il avait été moins tragique, aurait pu changer la face du monde: l’invicible armada commandée par lui et non Flores aurait-elle pu vaincre les anglais ou au contraire aurait-il pu éviter un guerre en apportant la missive de la reine Elisabeth aux espagnols?
?Le livre parle aussi des bisbilles entre le Chili et l’Argentine pour quelques arpents de terre le long de la frontière ou encore du conflit des Malouines entre les anglais et les Argentins qui a laissé des traces.
Les sommets de la Patagonie ont également marqué l’épopée de l’Aérospatiale:« leurs coucous escaladaient les crêtes les plus affutées des Andes et dévalaient les pentes comme les libellules» et mis à l’épreuve les nerfs des pilotes. L’avion de «Guillaumet s’abima au pied du volcan Maipu jeté à terre par une tempête…et au terme de 5 jours d’efforts, il parvint à rejoindre les vallées habitées» (voir notre article sur le Futuroscope:https://www.businesstravel.fr/201107049564/en-voyage/compagnies-aeriennes/le-futuroscope-met-le-petit-prince-et-les-pilotes-de-laerospatiale-a-lhonneur.html).
Le canal de Panama scelle la fin de l'age d'or de la Patagonie
Mais alors que la navigation a pendant longtemps assuré la richesse des terres australes, l’achat du Panama à la Colombie par les Etats-Unis en 1903, scelle la fin des beaux jours de l'age d'or de la marine à voile en Patagonie.
L’avènement du canal du Panama en 1914 modifia les routes maritimes et le détroit de Magellan ainsi que le Cap Horn passèrent alors aux oubliettes.
Au final, ce roman initiatique est une véritable déclaration d’amour de l’auteur pour ces terres méconnues, qui mérite la lecture ne serait-ce que pour sa prose enlevée et ses histoires peu ordinaires.
A l'issue de son livre, l'auteur imagine d'ailleurs avec un autre écraivain, Carlos Vega Letelier une hypothèse sur l'origine de la fabuleuse cité des Césars.
Certains survivants de la cité du roi Philippe II auraient pu s'allier aux autochtones pour faire face aux vigueurs du climat «leur seule chance était de se lier et de se reproduire avec eux, de former des couples» estime Carlos Vega Letelier, qui a écrit un livre sur cette cité mythique.
Un constat à méditer alors que de nombreux enjeux se posent aujourd’hui, à notre planète comme de futurs défis climatiques, la prolifération nucléaire ou le terrorisme...
L’humanité pourrait bien s'inspirer des colons de la cité de Philippe II: plutôt que de s’opposer entre eux, une seule voie est possible pour les terriens et nos chers concitoyens en cette période d'élection, coopérer ou mourir!
L’auteur a d’ailleurs choisi de s’installer avec sa compagne chilienne sur l’île de Chiloé, pour appliquer cette vérité, au bout de ce long voyage qui l’a conduit vers une autre vie.
Comme il l'explique si bien:
«Lever un pouce sur la chaussé et attendre de voir qui mordra. C’est être là au bord d’un fossé. Lanterner à la croisée des chemins. Avoir son avenir immédiat inscrit sur le bout de son doigt et ne pouvoir le lire»
Informations pratiques: Aux Quatre Vents de la Patagonie, édité par Transboréal, 20,90 €, 456 pages dont 26 en couleurs.