La forte hausse ds prix de l’énergie et la stratégie de baser la production sur l’éolien et le solaire remettent en cause le modèle allemand alors que la pays a plongé dans la récession…
Le titre du journal suisse Le temps résume bien les angoisses d’une grande partie de la population allemande : « L’Allemagne craint de redevenir l’homme malade de l’Europe ». Comme le note la chroniqueuse suisse « alors que les investissements reculent, que le secteur chimique souffre et que l'industrie automobile, fleuron national, s'électrifie, le deuxième partenaire commercial de la Suisse est en proie au doute. Il craint de redevenir le pays en mal de compétitivité que The Economist avait qualifié en 1999 d'«homme malade de l'Europe ».
Il faut dire que la situation est assez unique en Allemagne alors le pays a plongé dans la récession. Le PIB allemand a chuté de -0,3% entre janvier et mars 2023 après une première baisse de -0,5% enregistrée entre octobre et décembre 2022.
C’est la première fois que le pays entre à nouveau en récession, soit deux trimestres de baisse du PIB consécutifs, depuis la pandémie du Covid en 2020, où le PIB s’était là aussi réduit au T1.
La production industrielle a baissé de -1,5% en juin après une baisse de 0,1% en mai. « Avec les chiffres d'aujourd'hui, le risque a augmenté que l'estimation de la stagnation de la croissance du PIB au deuxième trimestre puisse encore être révisée à la baisse » a déclaré Carsten Brzeski d'ING au Telegraph.
L’inflation supérieure à 7% pèse sur le budget des ménages et leur consommation.
Surtout les prix élevés de l’énergie pèsent sur le secteur industriel allemand : les commandes industrielles ont enregistrés une baisse de 10,7% et les exportations ont été en retrait de 5,2%.
La bonne santé de l’Europe et de l’Euro qui reposait en partie sur l’économie allemande et son industrie exportatrice est en train de faiblir.
L’Allemagne avait pour atout son industrie avec plusieurs secteurs phares : chimie, automobile, machine-outils. Bayer, BASF, Henkel, des leaders de la chimie voient leurs marges baisser car leur activité est très haute intensité énergétique.
La hausse des prix de l’énergie en Allemagne lamine leurs marges.
Le groupe chimique Lanxess a ainsi demandé aux responsables politiques de soutenir l’industrie alors que son bénéfice industriel a été divisé par deux. « Nous avons besoin de toute urgence de conditions-cadres durables en particulier d’un tarif compétitif à l’échelle internationale pour l’industrie » a déclaré Matthias Zachert, PDG de Lanxess. Le groupe basé à Cologne prévoit de fermer l'installation d'oxydation de l'hexane sur son site de Krefeld-Uerdingen en Allemagne d'ici 2026. L'installation de production d'oxyde de chrome située sur le même site sera vendue ou fermée.
Le secteur automobile allemand pâtit des règles de l'UE d'imposer les voitures électriques qui avantage Tesla et souffre de la concurrence chinoise
Il en est de même pour le secteur des machine-outils ou de l’automobile. Ce dernier secteur est menacé par les règlements de l’UE décidés par la Commission dont la présidente est allemande et qui semble jouer en partie contre les intérêts des industriels allemands.
Ainsi la décision de l’UE d’interdire les voitures neuves thermiques en 2035 est un véritable boulet dans les pieds des grands constructeurs allemands. Ceux-ci doivent faire face à une baisse de la demande sur leur marché domestique, à la mise au rebut de leurs lignes de production de voitures thermiques du fait de l’UE, à l’avantage donné par l’UE indirectement à des pure players comme Tesla qui grignotent des parts de marché au détriment ds constructeurs allemands. Le marché automobile risque de devenir comme celui des smartphones d’ici 3/4 ans: il sera trusté par les géants américains et asiatiques qui trufferont les voitures de logiciels Androïd et Apple avec des systèmes d’intelligence artificielle et de conduite autonomes, des secteurs informatiques où les européens sont déjà largués. La concurrence chinoise farouche a d’ailleurs obligé Volkswagen à s’allier récemment au constructeur chinois Xpeng.
La solution pour l’industrie allemande va-t-elle consister à quitter l’Allemagne? Car les choix allemands questionnent notamment celui d’abandonner le nucléaire et de se tourner vers les énergies renouvelables. Cela a conduit l’Allemagne à émettre bien plus de CO2 que la France de par le recours aux centrales à gaz et à charbon pour pallier l’intermittence du solaire et de l’éolien. Avoir une énergie bon marché comme en Norvège ou en Suède grâce à l’hydroélectricité ou en France grâce au nucléaire et à ‘hydroélectricité est un avantage compétitif. Certains demandent de subventionner l’électricité mais ce n’est pas une solution à long-terme. Le conseil scientifique du ministère des Finances a récemment publié un rapport qui dénonce cette idée, estimant qu’en raison des conditions défavorables aux énergies renouvelables en Allemagne, le pays continuerait d’avoir des prix de l’électricité plus élevés que d’autres pays » note Euractiv. Il est amusant de voir que le Ministre de l’Economie est membre du parti qui a incité l’Allemagne à faire ces choix et à sortir du nucléaire.
Il a sans doute oublié que l'économie ce n'est que de l'énergie transformée
Alors que le ministère de M. Habeck part du principe qu’ « à l’avenir, nous aurons un avenir énergétique doré en Allemagne, que les prix seront bas et qu’il suffira d’un “pont” pour y arriver », le conseil consultatif a « certains doutes » à ce sujet, a expliqué Alfons Weichenrieder, professeur de politique économique à l’université Goethe de Francfort et chef adjoint du conseil scientifique consultatif pour le ministère allemand des Finances. « La question est de savoir si l’Allemagne disposera à l’avenir d’un avantage comparatif en matière de prix de l’électricité » estime M. Weichenrieder.
L'industrie allemande va-t-elle se délocaliser en Europe du Nord ou en Amérique?
A ce titre les pays où l’électricité est abondante et peu chère comme la Norvège, la Suède ou le Québec pourraient devenir les nouveaux eldorados industriels allemands. Le fabricant allemand de céramiques sanitaires Duravit a posé la première pierre de son usine québécoise en juillet. L’idée est d’utiliser un four à électricité au lieu d’un four à gaz, l’électricité étant peu chère au Québec. Christian Gilles le DG de Duravit France a déclaré « que l’un des avantages du Québec était la stabilité des prix de l’électricité sur les 20 dernières années » note un article du Temps suisse titré: L'Allemagne craint de redevenir l'homme malade de l'Europe.
Ce qui a été plutôt vrai pour l’Allemagne grâce au gaz russe et au nucléaire. En France le problème est identique mais pourrait être résolu rapidement. LEs prix de l’électricité ont été stables pendant longtemps mais le marché européen a chamboulé la donne et a fait faire faillite à EDF qui a été nationalisé. Avec le prix fixé sur la dernière centrale les tarifs ont explosé avec notamment une facture EDF en hausse de 10% en août alors que nous avons l’un des prix de production les plus bas grâce au nucléaire. Alors que la France pourrait se réindustrialiser rapidement grâce à son nucléaire, le gouvernement a choisi pour le moment de rester dans le marché européen au détriment des intérêts français.
Loïk Le Floch-Prigent a déclaré dans une interview ce mois au Figaro que le retrait français du marché européen s’imposait. Pour la France le choix est simple. Pour l’Allemagne il sera plus compliqué. En se coupant du gaz russe, le pays prive son industrie d’une source d’énergie peu chère. Et en décidant d’abandonner le nucléaire les verts allemands ont aussi coupé l’accès à une énergie abondante et relativement peu chère. Il est amusant de noter qu’alors que la société allemande Duravit s’est installée au Canada du fait de son énergie peu chère, l’Ontario vient de décider d’investir à nouveau dans le nucléaire après 30 ans d’arrêt, soit l'exact contraire de la politique suivie en Allemagne sous l'impulsion des Verts.
Assiste-t-on à un suicide allemand et européen, l’UE étant dirigée actuellement selon les règles allemandes? Tous ces facteurs vont avoir tendance à affaiblir l'économie européenne, la notation de la dette qui dépend de la vigueur allemande et le cours de l'Euro qui risque de flancher fortement si les hauts coûts de l'énergie s'avère effectivement une morsure fatale pour l'économie allemande...
D'autant que la banque centrale allemande a quelques soucis. « La banque centrale allemande pourrait avoir besoin d'un renflouement pour couvrir les pertes sur la dette qu'elle a récupérée dans le cadre du programme massif d'achat d'obligations de la Banque centrale européenne (BCE), a averti l'auditeur fédéral du pays » note le Telegraph. « Le Bundesrechnungshof a déclaré que les pertes subies par la Bundesbank sur plus de 650 milliards d'euros (570 milliards de livres sterling) d'achats d'obligations étaient substantielles et pourraient nécessiter une recapitalisation avec des fonds budgétaires ».
Le quoiqu'il en coûte pourrait poser des problèmes budgétaires conséquents alors que le pays est en récession...
Pour l'Allemagne la situation risque d'empirer mais pour la France la solution est simple comme l'estime Loïk le Floch-Prigent: « rentrer dans ce marché de l'électricité il y a une quinzaine d'années était un choix «technocratique» volontaire contesté par les énergéticiens français, mais aucun traité n'existe qui nous y oblige et surtout nous pouvons nous en retirer lorsque nous le voulons sans contrevenir à nos signatures contraignantes. Ce choix a été préjudiciable à notre pays pendant quinze ans, et nous avons survécu, mais le contexte actuel conduit désormais au désastre. Nous avons protégé pendant un temps court les particuliers, mais ils viennent de connaître deux augmentations: 15% en février et 10% au mois d'août. Se retirer du marché de l'électricité est donc une nécessité et les réticences du gouvernement à le faire sont inexpliquées et inexplicables rationnellement. D'autres pays, l'Espagne et le Portugal l'ont fait, sans heurts, comme il était prévu, et nous pouvons le faire dans l'instant ».