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Air France: quelle stratégie après Gourgeon?

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Pierre-Henri Gourgeon n'est plus le commandant de bord d'Air France, pourtant il a plutôt bien géré la compagnie en ces temps troublés. Sa seule faute aura été de ne pas avoir réussi à abaisser les coûts salariaux chez Air France, pour accélérer le retour à la rentabilité de la compagnie. Mais était-ce vraiment sa fauté

On dit que la compagnie Air France va mal: certes ses derniers résultats financiers n'ont pas été à la hauteur de ses pairs comme ceux de Lufthansa ou British Airways et sa valeur bousière a chuté de 60% depuis le début de l'année.

Mais ses atouts sont très nombreux: Air France fait partie de la seconde alliance au monde, Skyteam, a renforcé ses positions en Chine (plusieurs compagnies chinoises ont intégré Skyteam) et reste très forte sur les routes transatlantiques et vers les pays africains.

Il faut reconnaitre malgré son départ rapide que Pierre-Henri Gourgeon a plutôt bien piloté la compagnie dans des temps difficiles.

Il a du gérer l'accident du vol AF447, l'une des plus grande crises économiques et financières de ces 50 dernières années (durant laquelle le trafic affaires a fortement chuté) et a du faire face à la forte croissance des compagnies du Moyen-Orient, des compagnies low-cost en France et des liaisons TGV (subventionnées par l'état, rappelons-le)…

Sans parler de la crise arabe de l'an passé et de la catastrophe de Fukushima au Japon qui a fortement fait chuter le trafic vers ce marché très lucratif.

En résumé, Pierre-Henri Gourgeon a du s'adapter à une période de vraie libéralisation du marché aérien en France tout en devant faire face à un environnement économique très dégradé.

L'état juge et partie

De plus cet ancien pilote de chasse n'a pas eu les coudées franches, l'état étant encore le principal actionnaire d'Air France avec 15,7% du capital (au 31 mars 2011), un cas unique au regard de la situatiobn de ses concurrents.

Son principal atout il y a quelques années est devenu l"un de ses talons d'Achille.

Pour certains choix comme celui de sa commande d'avions récemment, il peut sembler logique que l'état interfère et suggère des fournisseurs, Air France ayant reçu des fonds publics par le passé.

Par contre, pour d'autres choix comme le mangement ou les choix opérationnels, la question mérite d'être posée.

Un autre problème se pose aujourd'hui à Air France comme à toutes les entreprises du pays: comment faire pour lutter à armes inégales face à un modèle économique privilégiant la rentabilité à court-termé

Les charges sociales françaises sont parmi les plus élevées d'Europe, elles pèsent sur la rentabilité à court terme (privilégié par le monde financier) mais au contraire allègent les charges du groupe à long terme au niveau des retraites.

Quel modèle de comptabilité, de management et quel système de retraite adopter pour un groupe bicéphalé

Aux Etats-Unis on a bien vu lors de la faillite de géants comme General Motors ou Worldcom que le problème épineux des fonds de pension se posait: si les marchés baissent ce qui est le cas actuellement, que deviennent les actifs des fonds de pension des retraités?

En fait, ces fonds pèsent très fortement sur la rentabilité de ces sociétés mais sont masqués par des manipulations financière: leur véritable impact n'apparait souvent qu'en cas de faillite d'une société (une bombe à retardement en quelque sorte).

Ainsi même si la valeur d'Air France a chuté en bourse et que sa dette est élevée (environ 6 milliards d'euros au 30/06/2011), la compagnie n'aura pas le poids des retraites de son personnel à payer en cas de krach boursier. Au regard de cela, la capitalisation du groupe apparait peu élevée actuellement.

Dans les comptes de nombreuses compagnies aériennes, l'éventuel passif des fonds de pension n'est pas pris en compte dans l'endettement (voir à ce sujet les négocaiations qui ont eu lieu entre British Airways et Iberia lors de la création d'IAG)...

Si l'on étudie dans le détail les comptes de KLM, apparemment plus profitables que ceux d'Air France, on constatera que les fonds de pension de KLM ne sont pas comptabilisés de la même manière dans ses comptes…

En bref, la question qui se pose au groupe bicéphale Air France-KLM est celle de notre monde actuel: retraite par capitalisation ou répartition? comment comparer économiquement des sociétés (ou des pays) aux modèles très différents?

L'objectif de Pierre-Henri Gourgeon en regroupant Air France et KLM était certainement d'arriver à obtenir des critères de comptabilité et de management communs afin de piloter plus efficacement le groupe: mais en faisant cela il fallait choisir un modèle, ce qui risquait de ne pas plaire aux actionnaires néerlandais!

Du fait de l'éviction de Pierre-Henri Gourgeon, les deux compagnies vont continuer à être gérée indépendamment, « la mise en place d’une holding Air France-KLM de plein exercice, qui devait avoir lieu au début de l’année 2012, étant reportée courant 2013».

Des coûts opérationnels trop élevés?

Air France, comme la majorité des entreprises françaises, opère avec des coûts salariaux plus élevés (d'environ 20%) que ses concurrents comme Lufthansa ou British Airways: un handicap peu gênant en période de croissance, mais qui se révèle très négatif en période de crise.

Ce haut niveau des salaires est lié aux charges (ce qui ne peut pas être changé par Air France) mais aussi aux rémunérations généreuses du personnel, une question qui n'a jamais été résolue quelle que soit le dirigeant.

Il est à noter que ce modèle de hauts salaires n'est pas mauvais en soi puisque le fordisme a prouvé que l'augmentation des salaires pouvait créer de la croissance et des richesses.

Il est défavorable à Air France car ses principaux concurrents européens (British Ariways, Lufthansa) et internationaux (les compagnies du Golfe, asiatiques) vont dans la direction opposée

Plus généralement, l'économie des pays industrialisés a défavorisé les salaires au profit des revenus du capital ces dernières années: les revenus des classes moyennes et des salaires ont fortement baissé tout au long de ces dernières années en Europe et aux Etats-Unis.

La logique voudrait que la compagnie réduise ses coûts pour s'aligner sur ses principaux concurrents comme Lufthansa ou British Airways, mais cela risque de ne pas plaire aux salariés et de créer de nombreux mouvements sociaux.

Pierre-Henri Gourgeon avait d'ailleurs déjà fait accepté (une première) des efforts supplémentaires aux salariés pour lancer ses bases de province et concurrencer les low-costs: c'est peut-être au final cette décision courageuse qui l'aura perdu!

Une décision tardive mais qui était logique pour la compagnie qui s'était déjà lancée sur le marché des vols loisirs avec Transavia (qui accusait cependeant de forte pertes!), l'objectif étant de reprendre en main le marché français.

Une autre alternative aurait été de délaisser le marché français et de se renforcer encore plus sur l'international avec des rachats de compagnies, tout en réduisant les coûts salariaux sur sur les vols moyen et long-courriers.

Ce changement de direction veut-il dire que la compagnie va préférer cette option dans les prochains mois? ou faire les deux?

Désormais Jean-Cyril Spinetta (le Président du Conseil d’administration du Groupe Air France-KLM) , le nouveau Président directeur général du groupe Air France-KLM et Leo Van Wijk, le Directeur général délégué du groupe Air France-KLM vont devoir montrer au marché qu'ils ont eu raison de reprendre les rênes avant de laisser la place à Alexandre de Juniac qui s'occupera en particulier de la compagnie française en tant que PDG d'Air France.

Une chose est sure: l'année 2012 comme les précédentes ne sera pas de tout repos pour la nouvelle équipe de direction, d'autant que des changements capitalistiques vont venir bouleverser la donne du marché européen en 2012 comme la privatisation de TAP, la cession de la part de l'état irlandais dans le capital d'Aer lingus sans parler des modifications capitalistiques au sein de Virgin Atlantic!

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