La Gare du Nord, la plus grande gare d'Europe et le siège d'Eurostar, n'a jamais été à la hauteur de la beauté de son homologue britannique St Pancras. Située dans le nord de Paris, la gare a été maintes fois dénoncée comme surpeuplée, désorganisée et en proie à la criminalité : une porte d’entrée plutôt décevante à l'une des plus belles villes du monde.
Mais tout cela est sur le point de changer, si les promoteurs réussissent, bien sûr. En prévision des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, la ville cherche à transformer la région, en commençant par son principal centre de transport.
La SNCF, une entreprise publique nationale de trains, s'est associée à Ceetrus (filiale de la chaîne de supermarchés française Auchan) et aux architectes Valode et Pistre pour élaborer un projet d'extension de la gare de 600 millions d'euros de style centre commercial, appelée StatioNord.
La rénovation, sous réserve d'approbation, est calquée sur la conception d’un aéroport, avec un nouveau terminal de départ, des espaces de coworking, une zone commerciale hors taxes et des installations de divertissement et sportives.
StatioNord vise à augmenter la surface de la gare de 75 000 m² à 136 000 m², en cinq années de construction progressive. Des images montrant la gare «avant et après» peuvent être consultés ici.
La rénovation est attendue depuis longtemps. Outre Eurostar, la gare propose des services régionaux et locaux, dont le RER et le métro, et accueille actuellement 700 000 passagers par jour. Ce chiffre devrait atteindre 900 000 passagers d'ici 2030.
Le projet n'est cependant pas si populaire, avec ses éléments commerciaux critiqués par divers experts en la matière (voir plus à ce sujet plus bas dans l’article).
Un nouveau terminal de départs
Le principal changement à la structure existante serait la séparation des arrivées et des départs, qui sont actuellement dans la Halle Hittorff et sont connus pour provoquer des encombrements.
Un nouveau hall des départs serait situé derrière une nouvelle façade vitrée de quatre étages donnant sur la rue Faubourg Saint-Denis : les passagers seraient obligés de traverser les zones commerciales avant de descendre par ascenseur et escalator pour atteindre les quais. Trois nouvelles passerelles sont prévues ainsi que des escaliers et des escaliers mécaniques pour atteindre les différentes plates-formes, similaires à la disposition actuelle à la gare de St Pancras.
La Halle Hittorff serait alors exclusivement dédiée aux arrivées.
Comment cela affectera-t-il le terminal Eurostar?
Beaucoup de nos lecteursont voyagé à Londres en Eurostar et vice-versa, et ont donc fait l'expérience du terminal Transmanche. Avec une augmentation attendue de 50% du trafic Eurostar pour 2030, le projet vise à étendre le terminal pour répondre à une demande accrue.
Bien qu'il soit actuellement situé au-dessus d'une mezzanine, cet espace serait démoli et remplacé par un nouveau terminal au sud-est de la gare, attenant au hall des départs susmentionné.
StatioNord affirme que cela améliorerait l'accès au RER souterrain et aux plates-formes de métro, d'où proviennent 80% des passagers se rendant à Londres.
Un nouvel espace de 1000 m2 avant le contrôle des passeports figure également dans les plans, dans l'espoir d'accueillir des passagers parfois malmenés : une réponse, sans aucun doute, aux retards et aux annulations de l'année dernière qui ont entraîné des files d'attente qui duraient parfois plus d'une heure et qui s'étendaient dans toute la gare.
Le projet vise également à réorganiser la zone de contrôle des passeports pour limiter les temps d'attente, tandis que la zone d'attente serait agrandie avec davantage de boutiques et de restaurants.
La création d'une gare routière et cyclable
La Gare du Nord dessert actuellement 13 lignes de bus et sept services de nuit, mais StatioNord prévoit également de créer une gare routière électrique.
Une station de vélo à deux niveaux est également prévues dotées de1200 places, dont 140 seraient réservées à ceux qui utilisent les espaces de coworking, et des installations pour la recharge des vélos, les réparations et la location.
Quelles installations de divertissement figurent dans le projet?
Les plans prévoient une nouvelle zone commerciale dans les étages supérieurs du bâtiment de départ avec des espaces de travail, des installations culturelles et sportives, des magasins et des restaurants.
Les caractéristiques comprennent une salle de concert, une salle de sport, une aire de restauration et un espace sportif en plein air avec des terrains de basket-ball et de tennis. Cela représenterait plus de 18 000 m² d'espace commercial, ce qui a fait l'objet de désaccords (plus à ce sujet plus tard).
Et les espaces verts?
Une caractéristique majeure du projet est la création de 7 700 m² d'espaces verts sur le toit de l'immeuble. Cela comprend un parc public gratuit, un arboretum, une piste de course à pied de 1 km et des terrasses avec vue sur les célèbres toits de Paris.
StatioNord vise à remplir les objectifs du Plan Climat de la ville, en espérant obtenir quatre certifications dont le label BREEAM Outstanding. Les développeurs prévoient d'utiliser des matériaux à faible teneur en carbone, de réduire la consommation d'énergie grâce à l'utilisation de la lumière naturelle, d'utiliser plus de 50% des ressources énergétiques renouvelables (y compris les panneaux solaires sur le toit) et d'interdire les plastiques à usage unique et les emballages non biodégradables.
La création d'une station de vélos et de bus électriques contribuerait également à réduire les émissions de carbone. Les développeurs envisagent également des concepts de restauration tels que Meet My Mama (nourriture préparée par des femmes réfugiées) et United Kitchen (qui sert de la nourriture créée sur place).
Pourquoi le projet est-il impopulaire?
La question que beaucoup de gens se posent est de savoir si les gares devraient imiter les centres commerciaux et les aéroports. Le projet a fait l'objet de nombreuses critiques au cours de l'année écoulée, considéré comme donnant la priorité aux intérêts commerciaux plutôt qu’aux passagers : les voyageurs seraient réacheminés via diverses zones de vente au détail avant d'atteindre les plates-formes, ce qui augmenterait les temps de trajet.
Un groupe de 19 architectes éminents a critiqué le projet dans une lettre ouverte au Monde en septembre, le décrivant comme «inacceptable» et exigeant que le projet soit «repensé de haut en bas». Ils ont ajouté: «obliger des centaines de milliers de personnes à traverser des espaces commerciaux devient insupportable lorsque ce cadeau commercial s'accompagne de voyages longs et inutilement compliqués.»
La proposition de remplir le nouvel espace de commerces de détail et de restaurants est également décrite comme une «infraction grave» pour les voyageurs, alors que le délai de cinq ans est considéré comme «ridicule».
Claude Solard, directeur général de SNCF Gares et Connexions, a toutefois défendu le projet dans un éditorial pour Le Monde, déclarant qu'il améliorerait l'expérience des passagers, offrant un meilleur accès et une meilleure connectivité sans augmentation des coûts des billets de train, Ceetrus fournissant les fonds pour le projet.
Claude Solard souligne également que la conception de cette station n’est pas nouvelle à Paris : Montparnasse, Austerlitz et Saint-Lazare ont déjà une configuration similaire. En réponse au projet de commercialisation de l'espace, Claude Solard note qu'un équilibre doit être trouvé entre les voyageurs pressés par le temps et ceux qui ne sont pas pressés et qui souhaitent utiliser les installations de restauration et de co-working.
La mairie s'est opposée au projet lundi, après avoir nommé quatre experts pour trouver «des améliorations qui conviennent à toutes les parties prenantes». Libération a indiqué que l'économiste Pierre Veltz, l'un des experts et porte-parole du groupe, a déclaré que le principal problème du projet est son agrandissement«excessif» et conseille de réduire le nombre de commerces de vente au détail.
Une enquête publique a été lancée en novembre dernier et clôturée hier (8 janvier). Les promoteurs devront alors publier un rapport au représentant de l'État et attendre l'approbation de son permis de construire. Si le projet est accepté, les travaux pourraient commencer dès le début de cet été.