La présidence française de l'Union Européenne va être l'occasion de parler de nombreux sujets importants : immigration, pacte vert, PAC, autonomie stratégique, rôle des parlements nationaux......
« Le planning détaillé des sujets n'a pas encore été publié à cette date. Mais nous savons déjà que le Pacte Vert l'Immigration, la PAC vont être des points importants. » explique Jean-François Rapin, des Républicains président de la Commission des Affaires Européennes.
« Il va y avoir parallèlement la Conférence sur l'avenir de l'Europe et le timing reste complexe alors que les présidentielles vont faire terminer l'agenda parlementaire en mars. Nous n'aurons donc que 3 mois pour travailler. il aurait sans doute été préférable que la présidence française ne tombe pas pendant la campagne présidentielle » a déclare Jean-François Rapin.
Un objectif de la France pourrait être de plus peser à Bruxelles : « les anglais avaient beaucoup de poids à Bruxelles et parvenaient souvent à leurs fins » commente Jean-François Rapin.
Objectif: faire reconnaitre le nucléaire et le gaz comme énergies de transition
Dans le cadre du pacte vert l'un des grands dossiers sera de « faire reconnaître le nucléaire et le gaz comme énergies de transition ». Ceci afin que le nucléaire français puisse bénéficier des crédits de la Finance Verte et afin de garantir l'approvisionnement en électricité et l'autonomie de la France. « Le positionnement du Sénat est clair sur ce point : nous allons insister pour que l'énergie nucléaire soit inclue. A ce titre l'arrêt du projet Astrid (pour Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) ) il y a quelques mois qui visait à développer des centrales de 4ème génération a été un mauvais signal » assure Jean-François Rapin.
Défendre l'autonomie stratégique : enfin des actes ou des paroles?
La défense de l'autonomie stratégique sera également un autre sujet. Le développement de l'industrie et la défense des entreprises stratégiques pourrait en être un autre alors que la France a vendu de nombreuses entreprises clés ces dernières années comme Technip, Alcatel, Alstom, Pechiney...
L'heure est grave alors que le déficit commercial de la France a été le plus important de l'UE l'an passé devant la Roumanie l'année dernière. Une honte pour notre pays qui présentait encore il y a quelques années l'une des balances commerciales les plus fortes de l'Europe. A ce titre l'Europe a joué un rôle dans la désindustrialisation française : le marché commun a permis à des concurrents étrangers de se faire une place en bradant les tarifs (on l'a vu dans le secteur des télécoms), les lois laxistes ont permis à des sociétés étrangères de racheter des fleurons industriels et le haut niveau de change de l'Euro ont défavorisé les pays du Sud comme la France qui avait l'habitude de dévaluer pour regagner de la compétitivité à l'export.
« La France a perdu une partie de sa capacité à défendre ses intérêts à Bruxelles. La réforme de la PAC engendra par exemple une baisse de la production ce qui est incompatible avec notre désir d'autonomie alimentaire. Mais on pourrait également parler de l'Acier vert ou de l'autonomie en matière de santé. Nous devons rapatrier des capacités pharmaceutiques » estime Jean-François Rapin.
Bruxelles passe des commandes énormes à Pfizer et Moderna mais très peu à Valneva
En parlant d'autonomie de la santé à savoir pourquoi Bruxelles a commandé si peu de doses du vaccin franco-autrichien Valneva, Jean François Rapin parle des capacités plus importantes de production de Pfizer et de Moderna à l'époque. Ce qui ne répond pas à la question de savoir pourquoi l'UE est si timorée vis à vis d'une technologie vaccinale sûre, (à virus inactivé) et qui a fait ses preuves en Chine avec les vaccins Sinovac et Sinopharm.
« Les vaccins chinois n'ont pas été homologués en Europe, car l'agence européenne des médicaments n'a pas reçu certaines réponses des autorités chinoises » explique-t-il. Il reste qu'on ne comprend pas pourquoi la France ne défend pas mieux ses entreprises à Bruxelles dans le domaine de la santé comme le vaccin de Valneva ou le vaccin à protéines recombinantes de Sanofi.
L'exemple de la voiture électrique: trop d'idéologie pas assez de pragmatisme et de prise en compte de nos intérêts
Toujours en terme d'autonomie stratégique, la course effrénée vers la voiture électrique est critiquée par certains fabricants européens.
Une transition plus douce serait nécessaire pour l'industrie européenne alors qu'une transition à marche forcée va favoriser les nouveaux acheteurs comme Tesla. Selon Carlos Tavares le président de Stellantis, ancien numéro 2 de Renault et DG opérationnel de PSA a déclaré : « ce qui a été décidé, c’est d’imposer à l’industrie automobile une électrification qui ajoute 50% de coûts additionnels à un véhicule conventionnel. Il est impossible que nous répercutions 50% de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer. Au cours de cinq prochaines années, nous devons digérer 10% de productivité par an (...) dans une industrie habituée à délivrer (des gains de) 2 à 3% de productivité ». Selon lui cela va poser des problèmes considérables en terme d'emploi.
Selon une étude de KPMG, les dirigeants d'entreprises européennes sont très inquiets et pensent ne pas pouvoir générer de profits pendant 5 ans. Après avoir sacrifié le secteur des fournisseurs télécoms, l'Europe s'apprête à sacrifier son industrie automobile au bénéfice d'acteurs tout électriques comme Tesla.
Il est abusif et idéologique de vouloir supprimer la voiture à essence alors que le bilan énergétique de fabrication d'une voiture électrique est supérieur à la fabrication à celui d'une voiture essence, qu'il faut plus d'énergie pour la déplacer du fait du poids des batteries et qu'en plus les fabricants produisent de moins en moins de petits modèles moins rentables. Il faudrait au contraire pousser à la fabrication de petits modèles à essence économes en essence chez les fabricants et innover pour réduire la consommation. La voiture électrique créant d'autres problèmes. Dans le secteur des télécoms l'ouverture à marché forcée du marché a conduit à la baisse de la rentabilité des fournisseurs télécoms et à la revente de fleurons du secteur comme Alcatel. La France qui était auparavant un acteur clé dans les solutions de télécommunications a été rétrogradée à la dimension d'un pays sous-développé.
Le laxisme migratoire européen en question?
La question de l'immigration qui s'invite dans les débats des présidentielles sera aussi un point clé à Bruxelles même si l'on a peu à attendre de l'Europe dans ce domaine comme l'a montré le Royaume-Uni avec le Brexit qui souffre d'ailleurs du laxisme européen avec la traversée des migrants dans la Manche. Le président d'Hongrie de Pologne ont depuis longtemps critiqué la politique de Bruxelles sans être entendu et en mettant eux-même en place des mesures qui ont réduit drastiquement l'immigration illégale dans leurs pays. Mais il semble que le Brexit et la prise de conscience d'un trop plein d'immigration illégale dans de nombreux pays vont faire changer la politique européenne alors que ce thème est très présent dans la campagne présidentielle française. On pourra notamment se poser des questions quant à l'efficacité de Frontex alors que les frontières françaises étaient bien plus étanches avant Schengen. La sacro-sainte libre-circulation a été vite supprimée du fait de l'épidémie mais n'a jamais été remise en questions alors que des milliers d'immigrants illégaux sont entrés en Europe ces dernières années.
Bruxelles : un déficit démocratique?
Enfin on ne peut parler du Sénat, du Parlement et de l'Europe sans se poser la question du déficit démocratique à Bruxelles. « C'est vrai que nos parlement se contentent souvent de ratifier les lois de Bruxelles. Mais les gouvernements prennent de plus en plus en compte les revendications des parlements nationaux. Nous avons lancé d'ailleurs une consultation auprès des élus locaux sur l'Europe. Ils ont tous envie de plus d'Europe. Il est vrai que les fonds européens sont souvent dédiés aux régions. Nous allons également planifier une table-ronde sur le rôle des parlements nationaux » ajoute Jean-François Rapin.
L'Europe va sans doute devoir plus prendre en compte les désirs et limites de chaque pays si elle veut survivre. A ce titre certains pays ont déjà imposé leurs fils rouges comme au niveau sociétal pour la Hongrie avec l'interdiction de la promotion de l'homosexualité auprès des mineurs ou la planche à billet en Allemagne comme l'a montré l'arrêt du 5 mai du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe.
L'Europe va devoir beaucoup beaucoup plus écouter ses pays membres si elle ne veut pas disloquer.
Enfin il est étrange que la natalité en Europe ne figure pas à l'agenda des prochains mois de la présidence française alors que le vieillissement de la population est un enjeu majeur et qu'un rajeunissement de la société serait rapidement souhaitable tant au niveau économique que sociétal. Peu après cet article, des articles sont parus ce jour aux Etats-Unis mentionnant Elon Musk, le CEO de Tesla qui pense de même. « Et pourtant, tant de gens, y compris des gens intelligents, pensent qu'il y a trop de gens dans le monde et pensent que la population devient incontrôlable. C'est complètement le contraire. S'il vous plaît regardez les chiffres : si les gens n'ont pas plus d'enfants, la civilisation va s'effondrer, notez mes mots ». Tout est dit.