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Massimo Mori: « j'ai fait un bond de 17 années en arrière »

Massimo Mori: « j'ai fait un bond de 17 années en arrière »

Les restaurants sont parmi les entreprises les plus touchées par l'épidémie de Covid-19. Massimo Mori, qui gère deux grands restaurants italiens à Paris nous confie ses difficultés, ses espoirs et ses rêves pour l'après Covid-19...

Business Traveler France : comment avez-vous géré la situation lors de l’avènement de l’épidémie et le confinement au cours du mois de mars 2020?

Massimo Mori, propriétaire du Mori Venice bar et gérant de l’Emporio Armani Caffè : du fait de mes nombreuses activités associatives je m’y attendais. Nous avons du fermer totalement nos établissements à partir du 14 mars : cela a été un choc par rapport à la clientèle mais aussi par rapport à nos produits. Nous avions commandé de la marchandise et avons du la consommer, la donner à nos amis, à notre personnel et à la Madeleine où il y a des pauvres en l’espace d’un week-end. Nous avons aussi du gérer le personnel. Avant la fermeture nous avions 17 personnes, nous en avons 12 aujourd’hui mais on a pas licencié car dans la restauration il y a un système de compagnonnage et nous employons des saisonniers : certains sont partis, d’autres ne sont pas rentrés d’Italie…

Business Traveler France : quel a été l’impact des confinements?

« Nous avons du fermer en haute saison et ouvrir en basse saison…»

Massimo Mori : il a été important car à Paris notre saison haute va de septembre à avril contrairement aux zones de bord de mer où la saison haute est l’été. C’est notamment l’hiver que nous employions le plus grand nombre de personnes soit une vingtaine. Or nous avons du fermer du fait des confinement en mars-avril-mai et la reprise de l’activité en juin correspondait pour nous à la saison basse de l’été. Normalement nous fermons nos établissements une bonne partie de l’été. Nous avons du fermer en haute saison et ouvrir en basse saison…

 Business Traveler France : avez-vous mis en place du Click and Collect et cette activité vous permet-elle de survivre?

Massimo Mori : nous n’avons pas commencé tout de suite le Click and Collect. C’est fin mars que nous avons commercialisé nos premiers produits en Click and Collect. Mais cela ne représente que 10 à 15% de notre ancien d’affaire même si nous avons une clientèle fidèle qui nous soutient. Cela nous permet de poursuivre l’activité et nos employés étaient demandeurs aussi car ils ne se voyaient pas rester à la maison en chômage partiel.

Business Traveler France : que pensez-vous des aides fournies par l’Etat aux restaurateurs?

« Cela fait 5 ans que la restauration parisienne souffre des grèves, des manifestations de gilets jaunes…»

Massimo Mori : l’aide de 20% du chiffre d’affaire est appréciable mais j’espère qu’ils vont continuer à nous aider à la réouverture. Car si nous devons ouvrir de 12h à 18H sans service important le soir…Par ailleurs, nous avons été aidés à hauteur de 20% du CA de 2019 mais il faut savoir que 2019 avait déjà été une année difficile pour les restaurateurs parisiens. Cela fait 5 ans que la restauration parisienne souffre du fait des grèves, des manifestations de gilets jaunes, des manifestations pour les grèves…Les secteurs du centre de Paris comme Opéra, Saint Germain et les Champs Elysées ont été affectés par cette situation. On cumule les désastres. Ces évènement ont réduit l’activité les vendredis, samedis et dimanches et il y a eu moins de touristes de court-séjour le week-end. Au regard de ces évènements dangereux les touristes à moins de 2 heures d’avion ne venaient pas pour le week-end.

Business Traveler France : qu’en est-il de votre trésorerie, de l’état de vos finances? Cela doit être très dur?

« Je cumule 1 million d’euros de crédit. J'ai fait un bond de 17 années en arrière »Massimo Mori : nous avons eu la chance d’être indemnisé par notre assureur à hauteur de 23% de notre chiffre d’affaires quand nous étions fermés et nous avons obtenu un PGE utilisé pour le moment à hauteur d’un tiers. Les aides de l’Etat sont aujourd’hui plus complètes notamment pour la partie sociale. Mais les loyers représentent le gros de nos charges fixes. Nous avons eu une réponse négative de notre bailleur pour nous aider et je n’ai pas payé la moitié de nos loyers. Pour vous résumer la situation avant je n’avais aucun crédit et aujourd’hui avec le PGE et les crédits bancaires je cumule 1 million d’euros de crédit. J'ai fait un bond de 17 années en arrière! Nous avions planifié des travaux financés par l’activité mais comme celle-ci s’est écroulée et nous avons du avoir recours à des emprunts. Le problème reste celui du paiement futur des emprunts : si l’on doit commencer à payer en basse saison... J’espère qu’ils vont faire comme un plan Marshall et permettre aux entreprises de rembourser les PGE sur 30 ans pour redonner envie de continuer aux entrepreneurs. Qui pourra payer sur 1 an ou même 5 ans? Ou alors l’Etat prendra des participations dans les entreprises…

Business Traveler France : que pensez-vous de la décision de ne pas rouvrir les restaurants le 21 janvier?

Massimo Mori : le plus difficile aujourd’hui c’est l’attente du combat : nous sommes comme une personne au milieu du fleuve qui tente de se maintenir. Quel est l’horizon? Combien de confinements va-t-il encore y avoir? L’Etat a choisi de nous préserver mais finalement toute l’Europe et l’ensemble du monde sont dans la même situation. Le principal problème c’est que pour un restaurant sa retraite c’est son fonds de commerce. On vend un fonds de commerce la valeur de son chiffre d’affaires, 500000 euros pour 500000 euros de chiffre d’affaire. Ma question principale alors que je me rapproche de l'âge de la retraite est la suivante : quand vais-je retrouver la valeur de mon patrimoine? Aujourd’hui je prends peu de salaire. Nous les dirigeants on vit sur la bête avec nos économies, on essaie de dépenser le minimum…

« C’est le moment de donner une autre image de Paris et d’un pays calme »

Business Traveler France : les touristes représentaient une part importante de votre chiffre d’affaire? Espérez-vous les voir revenir cette année?

Massimo Mori : un client ancien ministre de l’économie me disait qu’avec ce type de crise il faut attendre 10 ans pour récupérer. Mais il faut rester positif. Pour répondre à votre question, nous avions de nombreux clients venant des palaces parisiens. Et le soir ils représentaient 30 à 50% de nos revenus. C’étaient des touristes de qualité avec un budget moyen important avec un ticket moyen deux à 3 plus important que le soir que la clientèle du midi. J’ai eu parfois des clients exceptionnels de Palaces comme cette famille de 4 personnes qui avait dépensé 8200 euros pour un dîner. On a heureusement la chance que Paris organise les Jeux Olympiques en 2024 : c’est quand même relativement proche. C’est le moment de donner une autre image de Paris et d’un pays calme, stable sans mouvements de foule contrairement à ces dernières années avec les gilets jaunes, les grèves…Il faut proposer un peu plus de social, des conditions de vie plus dignes…

Business Traveler France : que pourrait-on faire pour aider les restaurateurs parisiens?

Massimo Mori : tout d’abord donner la possibilité aux restaurants de s’étendre vers l’extérieur. Réduire le trafic également. On ne peut pas continuer à vivre dans la pollution. On pourrait mettre en place un système de taxi généralisé comme à Londres, avec une couleur spécifique et qu’ils soient écologiques. Si l’on réduit le trafic il faudrait également plus de parkings pour se garer pour que l’on retrouve le plaisir de profiter de la ville à pied. On pourrait aussi imaginer des systèmes de péages : vous ne pourriez pas rentrer dans la ville gratuitement si vous n’êtes pas résidents ou prioritaires comme à Londres. En Italie de nombreuses villes ont transformé leur centre en des zones piétonnes comme à Milan…Mais il faut un certain courage politique et aussi être écologiste tout en restant réaliste…

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