Si Bangalore est la capitale high tech de l'Inde et les plages de Goa son terrain de jeu hédoniste, alors le Taj Mahal d'Âgrâ doit sûrement être le coeur du pays. Ce mausolée d'un blanc immaculé a été construit au XVIIème siècle par l'empereur Moghol Shâh Jahân en mémoire de son épouse bien-aimée, Mumtaz Mahal. Peu de monuments dédiés à un être aimé peuvent se targuer d'être aussi impressionnants que celui-là. Il aura fallu pas moins de 20 000 ouvriers et de 20 ans pour achever ce qui allait devenir le symbole le plus parlant de l'architecture Moghol.
Située à l'extrémité sud-est du fameux circuit touristique du "Triangle d'or" (ses deux autres points étant Delhi au nord, et Jaipur, la "ville rose", au sud-ouest), Âgrâ, dans l'Etat indien d'Uttar Pradesh, a été la capitale impériale durant plus d'un siècle au cours de l'ère moghol.
Mais c'est grâce au Taj Mahal (souvent simplement appelé "le Taj") que les visiteurs affluent par millions aujourd'hui. Incroyable édifice entièrement fait de marbre blanc, le Taj se dresse sur les rives du fleuve Yamuna. Il fait face à la ville d'Âgrâ et à son fort, lui-même datant du XVIème siècle. L'aube est le meilleur moment pour visiter le temple, non seulement parce qu'il y a moins de monde, mais aussi et surtout pour voir le Taj prendre peu à peu sa couleur brillante au fur et à mesure que le soleil se lève dans le ciel brumeux. La légende raconte que Shâh Jahân avait prévu la construction de l'autre côté du fleuve d'un temple identique au premier, le "Taj noir", pour accueillir sa propre dépouille, mais les preuves à ce sujet sont plus que vagues.
L'autre caractéristique remarquable du Taj, outre la main-d'oeuvre nécessaire pour bâtir un temple tout en marbre, c'est sa symétrie presque parfaite. Bâtiments, jardins, allées, pilliers et coupoles s'associent pour créer une scène qui pourrait être pliée en deux verticalement et horizontalement. Une symétrie reprise par le reflet du Taj dans le cours d'eau central qui mène à ses marches et à son célèbre dôme en forme d'oignon. Les parois du temple sont serties de milliers de pierres précieuses et semi-précieuses, et les calligraphies elles-mêmes ont été méticuleusement sculptées sur du marbre noir à son tour encastré dans les murs.
Une merveille du monde bâtie par amour
Le 7 juillet 2007, le Taj Mahal a été proclamé septième nouvelle merveille du monde. En 2000, une recherche avait abouti à une liste de centaines de prétendants au titre réduite à seulement 21 finalistes finalement confrontés au vote du public dans une compétition à la "Nouvelle Star". Sans surprise, le Taj Mahal a été élu nouvelle merveille du monde aux côtés de la Grande Muraille de Chine, du site de Pétra en Jordanie, de la statue du Christ à Rio, du Machu Picchu, du Colisée et du site maya Chichen Itza.
Mais c'est un nouveau défi qui s'offre désormais au Taj Mahal, un défi plus grave, un défi qui menace son existence bien plus qu'une liste arbitraire de "coups de coeur" du monde. Le temple s'est vu diagnostiquer un "cancer du marbre" qui se traduit par une couche jaunâtre causée par la concentration de dioxyde de soufre dans l'atmosphère. La cause. Les années de pollution dues aux usines et au très important trafic de la ville d'Âgrâ, sans oublier les millions de touristes qui visitent le Taj Chaque année.
Le Taj Mahal malade de la pollution
Le gouvernement a tenté tant bien que mal de remédier à ce problème, d'abord en interdisant tout véhicule diesel ou à essence dans un rayon d'un kilomètre et demi autour du temple (les trajets sont ajourd'hui assurés par un bus électrique), puis en mettant en place une zone d'exclusion de plus de 10 000 km carrés autour du site pour empêcher la construction d'une nouvelle usine. Il y a également eu l'augmentation très controversée du prix d'entrée pour les étrangers de quelques roupies à 750 Rs (12,8 €) dans le but de dissuader les visiteurs mais aussi de recueillir des fonds pour aider à la restauration du mausolée. Maintenant, reste à voir si ces mesures porteront leurs fruits - lors de ma visite, une brume polluée flottait dans l'air et il était impossible d'apercevoir le fort, à seulement deux kilomètres sur l'autre rive du fleuve.
Cette tragédie des temps modernes n'est pas la seule à avoir menacé la belle histoire du Taj. Avant que le monument ne soit terminé, Shâh Jahân s'est retrouvé enfermé dans le fort d'Âgrâ par son propre fils avide de pouvoir, et a été forcé à regarder l'évolution des travaux depuis l'autre rive du fleuve jusqu'à sa mort en 1666. Il a néanmoins fini par revenir dans le temple, lorsqu'il a été enterré aux côtés de sa bien-aimée Mumtaz - son cénotaphe est une des rares constructions du temple qui rompt avec la symétrie du lieu.
Malgré les innombrables touristes, la brume, et cet interminable trajet jusqu'à Âgrâ (à partir de Delhi, les estimations officielles sont de trois heures ; personnellement j'ai passé près de six heures sur les autoroutes bouchées de la région), il ne fait aucun doute qu'une visite dans le nord de l'Inde n'est pas complète dans un passage au Taj Mahal. Difficile de ne pas se laisser émouvoir par l'histoire romantique entourant le monument le plus célèbre du pays. Comme l'a écrit un jour le poète Tagore, le Taj Mahal est "comme une larme sur la joue du temps". On ne peut qu'espérer que le temple survive aux ravages de la vie de l'Inde moderne et attire une nouvelle génération d'amoureux.
Infos pratiques
Le Taj Mahal est ouvert du samedi au jeudi de 6h à 19h. L'entrée est actuellement à 750 Rs (12,8 €). Pour de plus amples informations, visitez le sitede l'OFFICE DU TOURISME DE L'INDE.