C'est une TPE royannaise qui avec l'aide d'Airbus est à l'origine de l'un des projets les plus ambitieux dans le domaine de l'aérien : l'avion électrique E-fan. Son fondateur en dit plus à Business Travel.fr...
BusinessTravel.fr/ Business Traveller France: expliquez-nous comment une petite entreprise de Saint Sulpice de Royan a été à l'origine d'un projet aussi ambitieux?
Francis Deborde: j'ai repris l'atelier de mon père en 1995. Il concevait des avions de voltige. J'ai décidé d'orienter l'entreprise vers la fabrication de matériaux composites pour l'aviation légère.
Mais à la suite de la faillite d'un important client, nous nous sommes positionnés sur d'autres marchés comme le nautisme, l'industrie.
Puis nous avons créé un bureau d'études en 2005. L'électrique, c'était au final un projet personnel, vraiment sympa. Cette aventure a débuté avec le projet d'adapter des moteurs électriques sur l'avion de voltige Crici (entre 2008 et 2011).
Nous avons présenté ce projet à Airbus qui nous a dit : «proposez-nous un avion un peu plus gros». C'est de là qu'est née l'idée de l'E-fan 1 : un prototype conçu autour d'une motorisation électrique avec une structure en matériaux composites (carbone).
BusinessTravel.fr/Business Traveller France: quels ont été les principaux défis à relever pour concervoir l'E-fan?
Francis Deborde: tout d'abord concevoir l'ensemble de l'avion. Nous avons du faire appel à des spcialistes pour les différentes parties de l'aéronef.
il a fallu trouver un fabricant de moteurs électriques pour avions mais il n'en n'existait pas. Nous avons donc fait appel à un fabricant de moteur de modèles réduits d'avion…Il a suffi de les agrandir. Nous avons également du changer de technologies de batteries en utilisant celles du CEA : elles sont en lithium-polymère, une technologie utilisée dans l'automobile.
L'autre défi a été de concevoir un avion quasiment exclusivement fabriqué en composite avec la contrainte du poids des batteries, notamment au niveau des ailes. C'est la société Critt à Rochefort (en Charente-Maritime également) qui a été en charge de la conception des ailes et qui a résoudre la problématique de loger les batteries dans une partie des ailes.
AU final si l'on enlève le poids des batteries, on a réalisé un avion dont la structure est à 80% en composites. Mais en terme de technologie, aujourd'hui ce sont avant tout les batteries qui nous limitent : c'est pourquoi le projet prend en compte l'évolution rapide des performances des batteries pour les exemplaires qui seront produits à parti de 2018.
BusinessTravel.fr/Business Traveller France: quel est l'avantage de l'avion électrique? Peut-on imaginer un jour des avions de ligne propulsés avec des moteurs électriques?
Francis Deborde: l'E-fan vise le marché de la formation des pilotes d'Aéro Club. Grâce à tous ces progrès, il est désormais parfaitement adapté pour les tours de piste de 30 à 45 minutes en offrant une autonomie de 1H, plus 15 minutes de réserve. Le principal avantage de l'utilisation de l'électricité dans l'aérien, c'est que c'est une soruce d'énergie très économique : une heure de vol coûte 2 euros contre 40 euros pour des moteurs consommant du kérosène.
Pour les avions de ligne, je pense que l'avenir est dans les avions à motorisation hybride électricité/kérosène. On peut imaginer utiliser les deux technologies pour le décollage et la croisière et l'électricité uniquement pour l'atterrissage ou le roulage au sol par exemple.
BusinessTravel.fr/Business Traveller France: peut-on envisager une usine d'assemblage de l'E-fan à Royan. Ce serait un beau projet alors que la ville compte peu de sites industriels, beaucoup de retraités et que de nombreux jeunes peinent à trouver des emplois bien payés?
Francis Deborde: En terme d'étape nous travaillons désormais sur l'E-fan 2. On est partenaire, on a signé avec Airbus (Safran est en charge des moteurs, Zodiac de la gestion de la distribution électrique, SAFT et le CEA des batteries, Dassault Systèmes de la conception 3D...). On souhaite être fournisseur pour certaines parties de l'avion : les ailes, le fuselage, différentes pièces de l'E-fan 2. Mais c'est à Pau qu'aura lieu l'assemblage des premiers exemplaires de l'E-fan 2, même si on peut toujours rêver, pourquoi pas, d'une usine un jour dans la région.
A Pau, l'E-fan 2 sera produit d'abord à 10/20 exemplaires par an puis à 80 exemplaires/an au bout de 5 ans. L'E-fan est un beau projet et le seul avion tout électrique au monde aujourd'hui. Il devrait à terme nous permettre de doubler le nombre de nos employés de 10 à 20 salariés.
Informations complémentaires:
L'avant-projet de l'E-fan 1 a débuté fin 2011 et sa construction fin 2012.
Il a été exposé au Bourget en statique en 2013 car il n'avait pas à l'époque de commandes de vols. Cette année le prototype E-fan 1 a fait pour la première fois des vols de démonstration au Bourget. L'avion électrique était la grande vedette du salon. Eric Schmidt le président de Google Monde est même venu saluer les équipes ayant conçu l'E-fan 1. Il est à noter que le 10 juillet l'E-fan 1 doit effectuer la traversée de la Manche, comme Louis Blériot.
L'E-fan 2 devrait être produit à partir de 2018 :les sièges seront installés côte à côte et aura un poste de pilotage digitalisé pour optimiser la consomation électrique. Le pilote pourra préparer son vol et exporter les données via une clé USB et inversement après le vol.
Dans le futur, Airbus envisage d'utiliser les avancées issues de l'E-fan 2 pour développer un projet d'avion de transport régional, beaucoup plus ambitieux.
L'E-fan en chiffres:
- premier vol: 11 mars 2014,
- motorisation : 2 turbines électriques de 1,5kN de poussée,
- envergure: 9,5M,
- longueur : 6,7m,
- nombre de places : 2 sièges l'un derrière l'autre (l'E-fan 2 aura 2 sièges côte à côte),
- masse maximum : 550 kgs,
- autonomie: 1H+15 minutes de réserve,
- temps de recharge : 25 minutes entre deux vols,
- vitesse de croisière: 160 km/h,
- technologie de batteries : batterie lithium polymère (Li-Po).