C'est une bonne chose que l'Etat garantisse des prêts à Air France, mais pourquoi exiger des compensations?Air France était sur la bonne voie et la pandémie n'est pas de sa responsabilité...
L'épidémie de Covid-19 frappe très fortement les compagnies aériennes.
Air France-KLM comme toutes les compagnies aériennes a du mettre à terre la quasi totalité de sa flotte.
L'Etat a bien réagi en mettant en place un plan massif d'aide à Air France-KLM, mais au contraire d'autres pays la France demande des contreparties à Air France en terme opérationnel : est-ce bien raisonnable?
Au Royaume-Uni par exemple, Easyjet qui a d'ailleurs été conseillée par la banque Rotschild anglaise pour lever de l'argent, n'a pas eu de contrepartie opérationnelle à son prêt contrairement à Air France.
Easyjet et British Airways vont juste bénéficier de prêts à des taux préférentiels sans que l'Etat cherche à modifier leur modèle d'entreprise.
Or Easyjet est l'un des principaux concurrents d'Air France sur le réseau domestique.
Vols Domestiques : Air France souffre d'une concurrence déloyale
Et l'on demande justement à Air France de réduire son offre de vols domestiques déficitaire.
Pourtant si Air France est déficitaire sur son réseau domestique c'est parce que le réseau TGV a bénéficié d'importantes subventions alors qu'il n'est pas rentable et que des compagnies comme Easyjet ont pu entrer sur le marché français grâce à la libéralisation du ciel européen voulu par la Commission Europénne.
Or Easyjet paie bien moins d'impôts qu'Air France et bien moins de charges sociales globalement et peut donc être rentable bien plus rapidement et offrir des prix de billets moins élevés.
Les charges sociales et les impôts sont bien moins élevés au Royaume-Uni qu'en France (Easyjet paie cependant les charges sociales de ses employés français en France suite à un nouveau décret qui a obligé la compagnie à se plier à la règlementation française en 2007).
Le Député Pierre Cabré s'étonne d'ailleurs: «les règles mises en place dans le cadre européen permettent des inégalités redoutables et l’utilisation de dispositifs nationaux alors même que les règles de concurrence ne sont pas les mêmes. Si l’on prend le cas d’EasyJet en cette période de crise, pas question de service public ! Depuis le 1er avril, la totalité des activités en France sont à l’arrêt. La quasi-totalité de ses salariés est en chômage partiel, bénéficiant ainsi de la disposition mise en place par le gouvernement français où l’administration se substitue à l’employeur pour payer ce qui est dû aux salariés».
Le Président de la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande (FNAM), estime que cela fait polémique en déclarant qu’« il n’est pas logique qu’une entreprise qui paye seulement une partie de ses cotisations et de ses taxes, et qui ne s’acquitte pas de l’impôt sur les sociétés en France, bénéficie du même système d’aides publiques que les autres qui payent tout. » Air France au contraire paie toutes ses taxes dans notre pays!
Il est injuste de vouloir réduire le réseau domestique d'Air France alors qu'Easyjet pourra en bénéficier pour augmenter ses fréquences.
Si l'on voulait saborder les vols domestiques de compagnies françaises on ne s'y prendrait pas autrement.
Car le vrai problème des vols domestiques est la concurrence de compagnies aériennes qui n'ont pas le même niveau de taxes et de charges sociales: cela s'appelle de la concurrence déloyale et ceci est actuellement autorisé par l'Union Européenne sous couvert de libéralisme. La subvention du réseau TGV qui coûte un argent fou est également en cause : on ne peut pas construire de lignes TGV sur tout le territoire car elles ne sont pas rentables et doivent être financées par l'Impôt. Le train ne peut pas être le seul modèle de transport domestique.
La SNCF ne pourra jamais remplacer les liaisons aériennes transversales
Il est d'autant plus important de remettre les pendules à l'heure que les liaisons aériennes domestiques sont cruciales pour l'économie du pays.
Ainsi la SNCF ne pourra jamais proposer de liaisons transversales optimisées entre des villes du territoire, pourtant c'est justement cela qui permet de développer l'économie entre les régions.
Les liaisons aériennes transversales sont justement un moteur de développement de l'économie interégionale et il faudrait les développer.
Or que propose-t-on justement? De réduire les liaisons transversales d'Air France là où au contraire Easyjet vise à les développer.
Easyjet a fortement investi ces dernières années et avec succès pour développer des liaisons transversales : Air France aurait un rôle à jouer.
D'ailleurs le Sénat avait bien noté il y a quelques mois l'importance des liaisons aériennes pour le développement et l'aménagement du territoire.
Encore faut-il qu'on ne lui mette des batons dans les roues pas aux compagnies aériennes françaises...
L'argent des français ne doit pas servir à favoriser une compagnie comme Easyjet qui rétribue ses actionnaires étrangers avec le développement des lignes aériennes en France.
L'argent de l'Etat doit au contraire aider Air France à redevenir rentable sur son réseau domestique en limitant la concurrence déloyale des low-costs notamment qui profitent de conditions sociales et fiscales plus avantageuses dans leurs pays. Là est le vrai débat!
Un impact moins important sur l'environnement?
L'autre demande du gouvernement à Air France est de l'inciter à limiter son empreinte carbone. Or Air France est déjà l'une des compagnies les plus en pointe dans ce domaine comme la France à l'échelle européenne et mondiale.
Plutôt que de se tirer une balle dans la pied la France devrait réfléchir. On s'apprête à fermer 14 centrales nucléaires alors que nous sommes justement aujourd'hui grâce au nucléaire l'un des plus faibles émetteurs de CO2 pour produire de l'électricité en Europe.
On l'a vu durant le confinement il y a eu des pics de pollution à Paris alors que les voitures ne roulaient plus : on a pu noter cette fois sans aucune contestation possible et ceci prouvé par des cabinets d'études, que la pollution venait des centrales à charbon allemandes et polonaises, l'Allemagne ayant choisi de supprimer le nucléaire.
Or on dit désormais à Air France de devenir plus verte alors qu'elle est déjà une compagnie modèle. Rappelons que la compagnie a commandé 60 A220 pour remplacer une partie de sa flotte court et moyen-courrier et 35 A350 de nouvelle génération bien plus économes en carburant.
Il est difficile de lui demander plus!
Ce plan de sauvegarde est une bonne chose pour la compagnie aérienne française mais il serait temps que les français élisent des politiciens qui prennent conscience de l'importance de faire respecter le droit à la concurrence, car contrairement à ce que l'on dit il est bafoué en Europe.
La vraie urgence : arrêter le dumping social et fiscal en Europe
Il est totalement illogique d'avoir un marché aérien ouvert tout en permettant à des compagnies étrangères de profiter de taxes et de charges sociales plus faibles dans leur pays d'origine : c'est une entorse nette à la concurrence qui permet à terme une main-mise des compagnies issues des pays moins disants sur les autres. En d'autres termes ceux qui dépensent moins en impôts et en charges pour l'ensemble de leur activité amassent du capital qui leur permet de racheter à terme tous leurs concurrents.
Cette crise doit être l'occasion de repenser totalement le mode de fonctionnement de l'Union Européenne.
L'aide à Air France ne doit pas être sous condition. Elle doit surtout viser à repenser les conditions de jeu sur le marché européen : le dumping fiscal et social doit être remis à cause définitivement en Europe car il ne peut y avoir de marché unique ou de monnaie unique sans règles fiscales et sociales harmonisées!
NOTES: voir la tribune du député Pierre Cabaré, www.pierrecabare.com/lettre-ouverte-sauvons-air-france/