La Nouvelle-Aquitaine est la première destination touristique des français. Nous avons interrogé le Directeur Général du Conseil Régional du Tourisme, Michel Durrieu et Didier Quentin, Député de la Charente-Maritime sur leur vision quant à la saison été 2020...
Pour beaucoup de régions françaises, le tourisme est l'un des secteurs économiques les plus importants. L'épidémie de Coronavirus frappe le monde du tourisme dans une stupeur rarement vue et la région Nouvelle-Aquitaine n'échappe à la règle même si elle est peu touchée par l'épidémie.
Le tourisme : 9% du PIB en Nouvelle-Aquitaine, premier secteur économique
En Nouvelle-Aquitaine le tourisme représente environ 9% du PIB avec 18 milliards d'euros de recettes. C'est le premier secteur économique de la région, devant l'aéronautique et l'agro-alimentaire. La région accueille chaque année environ 32 millions de touristes dont 28 millions de français et 4 millions d'étrangers. Autant dire que quand le tourisme va mal, c'est toute l'économie de la région qui est touchée.
«La Nouvelle-Aquitaine est la première destination touristique pour les touristes français devant l'Occitanie et la région PACA, cette dernière étant plus forte sur les marchés internationaux» précise Michel Durrieu, Directeur Général du Conseil Régional du Tourisme d'Aquitaine.
3 milliards d'euros de perte de recettes en Nouvelle-Aquitaine
L'épidémie devrait avoir pour conséquence la perte de 3 milliards d'euros de recettes touristiques et 15 à 20000 emplois dégradés selon Michel Durrieu.
« Je ne parle pas de pertes d'emplois car il y en aura mais aussi beaucoup d'emplois avec des horaires réaménagés, à mi-temps...Et puis il faut voir que nous allons avoir un tourisme dégradé en juillet-août alors qu'on aura des contraintes fortes en terme de distanciation sociale dans les bars, restaurants» explique-t-il.
Alors que l'on aurait pu penser que les bars et restaurants rouvriraient plus tôt en Aquitaine, Michel Durrieu est plus pessimiste.
Pas de réouverture anticipée des restaurants en Nouvelle-Aquitaine
«Le président a confirmé qu'il n'y aura pas de déconfinement par région. Les bars et restaurants devront patienter même si je pense qu'ils devraient pouvoir rouvrir avec des contraintes de distanciation sociale (NDLR: on vient d'apprendre que les bars/rstaurants resteront fermés le 11 mai. Une décision sera prise fin mai quant à leur réouverture éventuelle le 2 juin). Si les français se remettent à travailler il semble logique qu'ils puissent aller manger au restaurant : il faut trouver des solutions. Je trouverais normal qu'on leur laisse la possibilité aux restaurantsd'ouvrir ou pas. Nous espérons aussi que les camping pourront ouvrir de manière anticipée afin de préparer l'été car la région totalise la 1ère capacité en France d'hébergement de plein air avec 17% du total».
Pas ou très peu de touristes étrangers cet été en Nouvelle-Aquitaine
Un autre problème se pose pour la région : il va falloir qu'elle fasse une croix sur le tourisme étranger cet été. « Je pense que nous allons perdre les 4 millions de touristes étrangers. Je ne vois pas comment ils pourraient venir en toute tranquillité dans le pays et être menacé de ne pas pouvoir rentrer chez eux au cas où l'épidémie reparte» ajoute Michel Durrieu.
Le tourisme a besoin d'aides spécifiques
Face à tous ces problèmes se pose la question d'une aide spécifique au secteur du tourisme.
«J'estime que 15 à 20% des entreprises du tourisme de la région vont disparaitre. Ce sont principalement de petites structures qui n'ont plus de trésorerie ou de fonds propres. L'annulation des charges proposée par l'Etat, c'est bien mais cela ne va pas suffire» estime Michel Durrieu.
Les touristes français ne vont pas compenser le perte des étrangers
«Il va manquer une partie de la saison et le fait de n'ouvrir qu'en juillet-août voire en juin ne va pas leur permettre de reconstituer leurs trésoreries et leurs fonds propres. Par ailleurs je ne pense pas que le tourisme français va pouvoir compenser l'absence des touristes étrangers. Alors que les français n'ont pas travaillé ces dernières semaines, ils vont sans doute moins voyager et avoir moins de vacances. N'oublions pas que 8 millions de français sont en chômage technique. De plus, il va y avoir de plus l'impact de la crise économique que nous ne sentons pas encore. Il faut qu'il y ait un plan de financement du tourisme pour arriver à accompagner la transition et la transformation du secteur» assure-t-il (NDLR: le Ministère de l'Economie a annoncé récemment un plan spécial comprenant notamment la prolongation du chômage partiel pour les entreprises du secteur).
Moins de capacité de transport cet été
La région se prépare par ailleurs à avoir beaucoup moins d'offre de transport disponible cet été.
«On va forcément perdre en capacité de transport. Même si les fréquences ferroviaires vont reprendre il y aura moins de passagers par voiture du fait des contraintes sanitaires, de distanciation sociale. On table sur une réduction de 30 à 50% des capacités ferroviaires cet été. Nous pensons par ailleurs que les touristes français viendront principalement en voiture et il va falloir gérer cet afflux en terme de gestion du réseau routier» prévient-il.
Au niveau de l'aérien les liaisons sont quasiment réduites à néant avec un vol tous les deux jours entre Paris et Bordeaux. Pourtant les touristes étrangers plébiscitent ce mode de transport. «99,5%% des passagers de l'aéroport de Bergerac, 88,9% de Limoges 81% du trafic de l'aéroport de la Rochelle est international. L'impact va donc être fort» estime Michel Durrieu.
Royan : une ambiance hors saison à Pâques!
A Royan, une importante station balnéaire de la Nouvelle-Aquitaine, on se croirait hors saison, comme dans une ville fantôme : les plages sont désertes, les rues vides de passants et les commerces ont quasiment tous fermés leur devanture.
Le manque à gagner dû à l'épidémie promet d'être important pour une ville dont l'économie dépend en grande partie du tourisme.
On estime ainsi que la population de la ville qui compte 18398 habitants (48982 pour toute l'aire autour) est multipliée par 4/5 durant l'été, soit 80000 à 100000 personnes.
Quid des plages cet été?
«Le tourisme est la première activité de Royan et du Département de Charente-Maritime et les réservations sont aujourd'hui infinitésimales. Avec les mesures de distanciation sociale cela va être compliqué de promouvoir certaines plages très fréquentées, hormis celle de la côte Sauvage (NDLR : une grande étendue de sable comme dans les Landes qui va de La Palmyre à Ronces-lès-Bains). On ne peut pas entasser les gens, d'autant que sur la côte l'étendue de sable a été réduite du fait des tempêtes. Il va y avoir toute une organisation à mettre en place pour accéder aux plages. Il faudra définir des mesures, des arrêtés ou faire appel à l'esprit de responsabilité des gens. Nous allons devoir mettre en avant à Royan et dans le département le tourisme rural et vert, le tourisme de patrimoine et culturel pour inciter les gens à visiter l'arrière-pays» estime Didier Quentin, Député de Charente-Maritime et ancien Maire de Royan.
Des festivals annulés
Seul hic en terme de culture de nombreux festivals ont été annulés ou reportés. Les fêtes de Bayonne ont ainsi été annulées en juillet et reportées sans doute à l'automne, le festival des Francofolies à La Rochelle a été supprimé de même que Jazz in Marciac ou l'excellent festival de Blues de Cognac.
«A Royan, nous nous interrogeons sur la tenue du festival Un violon sur le sable : comment accueillir convenablement plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la plage cette année?» s'interroge-t-il (NDLR: on vient d'apprendre que les rassemblements de plus de 5000 personnes seront interdits avant le mois de septembre). Il restera alors les musées (NDLR: on vient d'apprendre que les grands musées resteront fermés le 11 mai de même que les cinémas et théatres. Espérons qu'ils rouvrent avant l'été).
Comment rentabiliser les restaurants?
Un autre problème se pose celui de la rentabilité des restaurants avec les mesures de distanciation sociale. «Prenons l'exemple d'un restaurant de 60 tables qui passe à 30 tables, comment faire pour qu'il soit rentable? Nous estimons que 10 à 20% des professionnels envisagent de ne pas rouvrir. Il y a aussi le problème des stations thermales, qui sont un atout du département... Dans quelles conditions vont-elles rouvrir?» ajoute-t-il.
Pourquoi ne pas étaler les vacances d'été?
Pour tenter de résoudre la crise dans le secteur du tourisme Didier Quentin a eu une bonne idée avec d'autres parlementaires.
«J'ai lancé une initiative à l'Assemblée avec une trentaine de collègues pour demander d'allonger la période des vacances scolaires. On pourrait créer des zones scolaires différenciées cet été comme pour les vacances d'hiver ou de Pâques avec pour but d'étaler la saison. Une première zone prendrait les vacances du 15 juin au 15 août, puis du 1er juillet au 31 août, puis du 15 juillet au 15 septembre. Cela permettrait d'avoir 3 mois pleins et de compenser une partie de la perte de revenus des professionnels. On pourrait aussi envisager un retour à la TVA à 5,5% pour les restaurants, l'exonération de taxe de séjour, l'annulation des charges sociales ou fiscales ou la prolongation du chômage partiel mise en place récemment» estime Didier Quentin.
Les vacanciers vont venir par la route, il faudrait baisser les péages
Alors que de nombreux touristes vont sans doute se rendre en vacances en voiture par sécurité et faute de capacité dans les trains, Didier Quentin estime également que les sociétés d'autoroutes pourraient faire un effort.
«Le coût des péages coûte désormais plus cher que l'essence entre Paris et la Charente-Maritime. De plus et malgré ces tarifs il y a des travaux incessants sur les voies avec des ralentissements incompréhensibles où l'on passe de 130 à 80 à 70km/h…C'est scandaleux!» ajoute-t-il. Un avis qui est partagé par un grand nombre de résidents secondaires dans la région.
Un été en France : pourquoi partir si loin quand on a tout ici?
Pour conclure l'été sera sans doute bien différent en Nouvelle-Aquitaine : les animations seront bien plus modestes, le tourisme sera local, régional ou national et les grands rassemblements seront interdits.
Le 14 juillet va être bien particulier cette année. Mais surtout que cela n'empêche pas les français de partir en vacances : ils en ont bien besoin après cette période difficile et c'est crucial pour les professionnels du tourisme.
Et puis la Nouvelle-Aquitaine a beaucoup d'atouts : des plages de rêves, une gastronomie et des vignobles réputés (Bordeaux-Cognac…), des villes animées (Bordeaux, La Rochelle, Arcachon-Cap-Ferret, Biarritz...), des îles, d'immenses forêts, des moetts avec vue sur la mer dans les Pyrénées Atlantiques, des vagues pour surfer et uù bronzer sans danger de promiscuité dans les Landes…
Après tout pourquoi partir si loin quand on a tout à proximité. Cela pourrait être la devise de cet été 2020!