Depuis quelques années la ville d'Angoulême s'est transformée en surfant sur la vague de la bande dessinée et en osant moderniser sa cathédrale avec succès...
L'arrivée de la ligne à grande vitesse a bousculé et accéléré la mutation de cette belle ville endormie perchée en haut de sa colline.
Bien avant l'ouverture du premier festival au monde de la BD puis de la cité de la bande dessinée et de l'image grâce à Jacques Lang a tracé la route: celle de la transformation de la ville autour des activités de la création et du digital.
Le superbe musée de la bande dessinée est en passe de rénover totalement son exposition permanente qui sera dévoilée au public pour l'été 2025. Mais en attendant le musée accueille des expositions qui devraient séduire un large public.
Tout d'abord le musée a mis les petits plats dans les grands en présentant des planches d'une centaine d'auteur du monde entier autour de la cuisine.
On pourra y découvrir les recettes bizarres de Gaston Lagaffe comme la morue aux fraises ou les épinards de Popeye.
Pour les amateurs de gastronomie, le musée a eu l'excellente idée de faire se rencontrer des chefs et des dessinateurs et d'exposer les planches créés à cette occasion. On pourra y découvrir l'exceptionnel cadre du restaurant de Mauro Colagreco à Menton croqué par Sole Otera, une dessinatrice argentine comme le chef.
Le musée de la BD d'Angoulême surfe sur la vague Marvel
Mais le musée en cette rentrée 2024 présente bien d'autres attraits comme celle sur Lou qui a accompagné toute une génération d'adolescentes dans les années 2000 ou encore plus , une exposition unique sur l'univers Marvel.
Nul doute que cette exposition fera un carton alors que les films Marvel sont plus à la mode que jamais chez les adolescents.
«Tout le monde connait Marvel à travers le cinéma mais nous avons conçu autour de l'univers des bandes dessinées. Le musée a la collection la plus importante au monde de BD Marvel avec plus de 400000 ouvrages qui nous été donnés. Nous en avons gardé 90000 et donné le reste. Chez Marvel la période des années 60 a été exceptionnelle avec l'arrivée des grands personnages dessinés par Stan Lee, Jack Kirby ou Steve Ditko. Les auteurs ont réuni des dessinateurs qui ont mêlé la science-fiction avec le quotidien tant au niveau du langage, local, que des lieux souvent New York ou des droits civiques. C'est ce qui va faire adhérer le public de même que les faiblesses de ses super-héros souvent dotés d'un handicap ou désargentés comme Spiderman. Puis les comics ont perdu de leur attrait avant de redevenir à la mode avec le cinéma» explique Jean-Philippe Martin conseiller scientifique à la Cité Internationale de la bande dessinée et de l'image.
On découvre tout au long de l'exposition de superbes planches organisée autour des thématiques majeures des comics Marvel: horreur, figure du mal, arts martiaux, héros de la mythologie, cartes Marvel, Avengers...
Les dessinateurs et auteurs des Comics Marvel ont su mêler habilement des thèmes et des thèmes historique comme des dieux nordiques ou grecs. Le musée a déménagé en 2009 pour se loger dans de magnifiques chais au bord de la Charente. J'emprunte le pont avec un groupe de journaliste pour me rendre dans la ville haute et passe devant la statue de Corto Maltese, rêveur face aux flots qui coulent.
5 fois plus de visiteurs que d'habitants à Angoulême lors du festival de la BD en janvier
La cité de la BD est située juste en face et abrite différentes écoles dont l'une des rares à former des dessinateurs de mangas homologués. L'ensemble des écoles abrite environ 2000 élèves c'est peu et beaucoup à la fois car ce sont des formations très pointues. La ville a su développer un écosystème autour de la BD unique en France et sans doute en Europe avec son festival qui attire plus de 200000 personnes pendant 4 jours soit 5 fois la population de la ville.
« Nous avons inventé Airbnb pour ce festival » plaisante le Directeur de l'Office de tourisme. Mais Angoulême ne se limite pas à la BD. La ville a été un port de transbordement important au Moyen-Age et une ville connue par la suite pour ses papeteries. « Nous avons été reconnues comme ville créative par l'UNESCO dans le domaine de la littérature et nous visons à faire reconnaitre un circuit européen autour des villes historique de la papeterie en Espagne, Italie et au Portugal. La ville et la région ont gardé en héritage quelques entreprises de papier mais aussi des industries d'emballage de luxe » explique Sylvain Pothier-Leroux, responsable du rayonnement territorial au sein de la mairie. Pour ceux qui s’intéressent à cette thématique un détour s’impose pour visiter le musée du papier ou les moulins de région qui sont ouverts à la visite comme celui du Verge en activité depuis 1539 ou celui de la Courade qui date de 1641.
Et pour en savoir encore plus sur l'histoire de la ville, quoi de mieux qu'une visite au Musée d'Angoulême?
Au musée d'Angoulême : vestiges préhistoriques, casque d'Agris et expos d'art moderne
Ce petite musée surprend tout d'abord par sa riche collection de vestiges préhistoriques venant notamment de l'un des plus grandes sites d'Europe : Angeac-Charente.
On a retrouvé sur ce site notamment la gigantesque empreinte d’une patte de dinosaure géant, un sauropode, l’un des plus grands animaux ayant vécu sur la terre. Grâce à son sol calcaire et à ses grottes comme dans le Périgord la région regorge de sites préhistoriques où l'on a découvert pléthores de silex comme à la grotte de la Chaise à Vouthon, à celle d’Artenac à Saint-Mary ou du Placard à Vilhonneur.
Le musée abrite aussi un chef d’œuvre peu connu à ne pas manquer, rare témoignage de l’habilité de nos ancêtres gaulois: le casque gaulois d'Agris. Un objet très finement travaillé et unique en son genre : un chef d’œuvre. Le musée est riche également d'une importante collection d'arts d'Afrique et d'Océanie.
Mais il abrite aussi des expositions temporaires parfois plus contemporaines. En ce mois de septembre 2024, c’est l’artiste islandais Erró qui est mis à l’honneur avec une salle d’exposition dédiée mais aussi des œuvres disséminées dans le musée.
il est le cofondateur du mouvement pictural de la Figuration narrative en France. C’est une longue histoire entre Erró et Angoulême puisque l’artiste avait dessiné le premier mur peint de la ville et a lancé la mode dans une ville qui compte aujourd’hui un circuit piéton dédié.
L’exposition dont le thème est l’histoire de l’art revisitée montre commet l’artiste a revu à sa façon de grands chef-d’œuvres de Picasso, Léger, Matisse, Botticelli ou Otto Dix. L’artiste a eu l’idée de transformer des tableaux via des collages ou des trames de déformation en ajoutant des personnages de la culture pop comme des personnages de Disney de Comics américains ou des éléments de la culture américaine comme les Fast Foods. Avec pour leitmotiv de décrire ou critiquer la société de consommation et son déluge de produits ou l’absurdité de la guerre comme dans son célèbre tableau Fishcape (non présenté dans l’exposition).
Plusieurs de ses œuvres mettant en avant des personnages de Marvel ont d’ailleurs exposés récemment à la Cité Internationale de l’Image et de la Bande Dessinée.
Mais la visite d’Angoulême me réservait une dernière surprise de taille :la Cathédrale romane d’Angoulême. Elle arbore l’une des plus belles façades de l’art roman, mais son vrai trésor des trouve à l’intérieur.
La cathédrale a la particularité d’avoir été reconstruite plusieurs fois. Créée au IVème siècle et dédiée à Saint Saturnin, elle fut détruite lors de la prise de la ville par Clovis en 508 chassant les Wisigoths et reconstruite en 566 puis incendiée à nouveau par les Normands. Grimoard de Mussidan, l’évèque d’Angoulême au X-XIème siècle la fit rebâtir à nouveau mais elle ne dura qu’un siècle avant d’être reconstruite par l’évêque Girard II et inaugurée en 1128 : «elle a la particularité d’abriter 3 coupoles au niveau sa nef, comme l’église de Périgueux héritage de l’architecture byzantine de Constantinople» explique ma guide... et prolongement de l’architecture romaine comme au Panthéon à Rome.
L’édifice fut partiellement détruit pendant les guerres de religion qui frappèrent la région et elle fut restaurée profondément de 1852 à 1879 par Paul Abadie qui choisit de lui redonner son aspect originel du XIème siècle. « Elle fut à la base de l’inventaire des monuments historiques tant elle était dans un état pitoyable et fut la première à être classé à son inventaire. Plus récemment la cathédrale a subi un lifting avec l’ajout d’un trésor avec des objets du XIX7me siècle en honneur à Paul Abadie » précise ma guide très documentée.
Le trésor de la Cathédrale: un univers unique et merveilleux imaginé par Jean-Michel Otoniel
Le trésor a été l’une des plus grandes surprises de cette visite d’Angoulême avec ses magnifiques objets mais surtout sa scénographie.
La conception des salles et des vitraux a été confiée à Jean-Michel Otoniel qui les a mis en valeur via de superbes vitraux contemporains aux dégradés de bleus, des meubles parés de perles de Murano et des papiers peints parés de tracés dorés en relief qui rappellent les enluminures des bibles romanes.
La chapelle Saint-Thibaud tout en sobriété met en avant une belle statue de la vierge à l’enfant posée sur un piédestal de perles de verres transparentes du plus belle effet.
Mais le clou de la visite est la salle du clocher splendide avec son vitrail monumental composé de 10000 pièces de verre parsemé de lignes argentées entremêlées. Il représente symboliquement la croix en son centre reflétée au sol dans les motifs des dalles de ciment.
Les perles de verres bleutées parent les différents meubles et piédestal ajoutent un côté féérique à cette salle étonnante.
Angoulême a bien changé.
La cité tranquille désormais à 1H30 de Paris depuis 2009 a su se réinventer en développant tout un écosystème autour de la BD et en proposant des expositions dans l’art du temps comme celle sur l’univers Marvel ou sur l’artiste Erró. Le trésor de la cathédrale est sans doute le lieu qui m’a le plus marqué: un endroit unique en France et sans doute dans le monde.
Informations pratiques :
- exposition Erró au musée d’Angoulême du 21 juin au 8 décembre 2024,
- exposition l’art des Comics Marvel au musée de la BD du 5 juillet au 4 mai 2025,
- exposition la BD met les pieds dans le plat au musée de la BD du 25 janvier au 10 novembre 2024,
- trésor de la cathédrale : visite guidée uniquement en petits groupes à voir avec l’Office de tourisme.