Si vous lisez cet article, fou de rage, car vous venez une nouvelle fois d’être informé du retard de votre vol, lisez ce qui va suivre. Cela ne vous redonnera sans doute pas le sourire, mais vous comprendrez probablement mieux les raisons de votre retard en comprenant tous les rouages du trafic aérien.
Tout d’abord, si vous vous trouvez à Charles de Gaulle (Paris), où dans un autre des aéroports parmi les plus fréquentés au monde, ne tenez pas les contrôleurs aériens pour responsables de votre mal-être.
Même par les plus belles journées, sans un nuage dans le ciel, un décollage à Paris, Heathrow ou à JFK (New York) peut prendre jusqu’à une heure, entre le moment où l’avion se met en marche et celui où les roues quittent effectivement le tarmac. La raison est simple: il n’y a pas assez de pistes de décollage pour satisfaire tous les besoins lors des heures de pointe.
Les contrôleurs aérien surveillent votre d'un bout à l'autre de la planète
Quand un avion reçoit enfin l’autorisation de décoller, il restez sous le contrôle de la tour de l’aéroport pendant les 15 à 25 premiers kilomètres de son vol. C’est à cette même distance, lorsqu'il approche de sa destination, que les autorités de l’autre aéroport le prennent en charge.
Les contrôleurs aériens sont chargés de donner des instructions aux pilotes et de faire voler les avions dans les meilleures conditions, en régulant les cycles de priorité, par exemple.
Si un avion arrive avec peu de carburant en raison de vents contraires durant son voyage, il sera favorisé et placé en tête de file. Les contrôleurs d’approche mettent aussi en relation les avions en approche avec le système d'aide à l'atterrissage ( Instrument Landing System ) de l’aéroport: il s’agit d’un radar au sol, qui permet, dans les plus grands aéroports, de réussir des atterrissages dans des conditions de visibilité nulle.
Après avoir quitté l’espace aérien, votre appareil devient un point sur le radar d’un des centres de contrôle nationaux du pays d’où vous décollez. Puis le vol est transféré aux centres de contrôle des autres pays que vous traversez.
Le retard d'un vol est souvent dû au mauvais temps et non à la compagnie aérienne ou aux contrôleurs aériens
Chaque centre autorise un certain nombre d’entrées dans son espace aérien, déterminé par le nombre d’agents de contrôle dont il dispose. Donc, si le pilote de votre avion vous annonce que votre retard est dû à des retards dans le contrôle du trafic aérien cela signifie que les conditions météorologiques posent des problèmes aux décollages et aux atterrissages, essentiellement dans des aéroports qui ne sont munis que d’une seule piste.
Par conséquent, l’ensemble de la régulation aérienne s’en trouve désorganisé. Cela peut aussi résulter d’un niveau anormalement élevé de trafic, comme c’est souvent le cas les dimanches du mois d’août, lorsque les vols spéciaux des vacances se mêlent aux vols prévus de manière régulière.
Lorsque le trafic aérien est particulièrement chargé, c’est Eurocontrol (Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne), à Bruxelles, qui décide de maintenir votre avion au sol.
Le CFMU (Central Flow Management Unit) d’Eurocontrol supervise l’espace aérien européen et anticipe les embouteillages potentiels afin de pouvoir dégorger le trafic et les éviter. Cette unité peut aussi décider d’attribuer de nouvelles tranches horaires et faire changer de parcours aux avions, pour entretenir la fluidité de la circulation.
Les conditions climatiques jouent un grand rôle dans ce domaine. Une tempête peut causer de sérieux retards, tout comme le brouillard. Ce dernier ralentit la circulation, mais la difficulté ne se situe pas dans les airs.
«Les contrôleurs aériens visualisent l’avion sur un écran. Ils peuvent le faire même par temps brumeux ou couvert» nous a confié un porte-parole du NATS (services nationaux de contrôle aérien, au Royaume Uni).
Le problème se situe, au contraire, au niveau de la piste. Les appareils qui atterrissent ne peuvent pas voir celui qui les précède. «Dans ces conditions, il faut réduire le trafic, même si, dans le ciel, les avions sont toujours séparés par la même distance.»
Cela veut dire que, plutôt que de se suivre comme d’habitude pour atterrir, avec une marge de sécurité de quelques secondes, les appareils doivent retarder leur manœuvre finale en attendant de recevoir l’autorisation claire de la tour de contrôle (qui intervient lorsque l’avion précédant a complètement quitté la piste).
Le système d'aide à l'atterrissage au secours des pilotes par mauvais temps
Le ILS (système d’atterrissage aux instruments) est un composant essentiel de la sécurité aéroportuaire. C’est en partie grâce à lui que les aéroports restent ouverts lorsque le temps n’est pas bon (brouillard, vent, etc.). Lorsqu’un Boeing 777 de British Airways s’est écrasé à Heathrow, au début de l’année dernière, il est passé tout près de détruire des balises de l’ILS de la piste. Si cela avait été le cas, cela aurait entraîné des semaines d’interruption, au lieu de quelques jours.
N’importe quel retard, ou problème au sol conduit les avions en approche à faire la queue dans le ciel: on appelle cela le ‘stacking’. Les avions sont positionnés en spirales au dessus de sites déterminés.
Les appareils descendent progressivement en spirale jusqu’à ce que le premier de la file soit autorisé à rejoindre l’itinéraire habituel d’atterrissage. Et ainsi de suite.
Les voyageurs les plus habitués savent qu’atterrir dans un aéroport fréquenté, aux heures de pointe, entraîne automatiquement 10 à 20 minutes de ‘stacking’. Les compagnies en sont aussi conscientes, et intègrent ce retard à la programmation de leurs vols. Ainsi un avion qui prend 20 minutes de retard, arrive à l’heure affichée au départ. Bizarrement, le NATS n’est pas en mesure d’estimer le pourcentage de vols qui subissent ce ‘stacking’.
Lorsque vous êtes pris dans un ‘stacking’, vous pouvez généralement voir l’avion qui se situe au-dessus du votre, et celui en dessous. Cela peut être assez déconcertant, surtout quand vous vous rendez compte que vous êtes suffisamment proche d’eux pour voir à quelle compagnie ils appartiennent. Même les voyageurs les plus aguerris sont parfois surpris, car les distances sont difficiles à évaluer, en particulier quand l’avion qui est au-dessus est plus grand que le votre.
Mais ne paniquez pas: tout est parfaitement contrôlé par les services de régulation du trafic. Même si vous avez l’impression qu’un avion est très proche du votre, il est de toute façon à la distance verticale de sécurité standard, soit 1000 pieds (un peu plus de 300 mètres). De la même façon, à l’aéroport de Los Angeles, où l’on trouve plusieurs pistes d'atterrissages, vous pourrez être effrayé en voyant un avion voler à côté du votre, et en croyant qu’il se dirige vers la même piste que vous. Mais tout ceci est normal: c’est comme cela que des aéroports comme LAX maximisent leur capacité.
Le contrôle aérien est très sécurisé
Même si un contrôleur commet une erreur, il existe de nombreux systèmes de garde fou, qui permettent en toutes circonstances, d’éviter les collisions aériennes. En plus de la technique ancestrale par laquelle le pilote regarde à travers son hublot autour de lui, il existe trois principales méthodes de contrôle de la sécurité. La première: tous les avions comptant plus de 19 sièges qui volent dans l’espace aérien européen doivent être équipés d’un système anti-collision TCAS, qui alerte automatiquement les contrôleurs d’un risque de collision, et qui met en place un protocole pour l’éviter.
Au sol, il y a le Short Term Conflict Alert, une surveillance informatisée qui prévient les contrôleurs de dangers éventuels, et le SMF, le Separation Monitoring Function, qui avertit les contrôleurs d’un défaut du système de séparation.
Les collisions en plein air sont très rares. Le dernier exemple concernant un équipage britannique remonte à 2002, au dessus de l’Allemagne, lorsqu’un cargo de DHL volant entre Bergame et Bruxelles, était entré en collision avec un avion russe qui se rendait de Moscou à Barcelone.
Dans cet exemple précis, plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte, et ont gêné un contrôleur suisse. Dans la confusion, il a outrepassé le système TCAS de l’avion russe, et a demandé au pilote de descendre au lieu de monter, ce qui l’a mis sur la route du cargo, qui avait, lui bien suivi les instructions de son TCAS.
Même sans les multiples outils électroniques à disposition, la probabilité d’une collision en vol est très mince, en raison des règles de distance de séparation entre les avions, d’au moins cinq milles nautiques (environ neuf kilomètres) ou à une distances minimale de séparation verticale.
Le trafic aérien explose : un vrai casse-tête pour les contrôleurs aériens
Et la situation surchargée du trafic aérien conduit forcément à des casse-tête chinois pour les contrôleurs. Ces dix dernières années, le trafic aérien en Europe a augmenté de 50%, atteignant le chiffre impressionnant de plus de 10 millions de vols chaque année, ou 33 000 par jour. L’espace aérien disponible a cru de 80% depuis 1990, mais ce n’est toujours pas assez.
Les voyageurs réguliers sont conscients du phénomène de croissance extrême des aéroports londoniens, durant la dernière décennie. Grâce également au boom des compagnies à bas prix, l’aéroport de London City a atteint le chiffre de 2,9 millions de passagers l’année dernière. Il peut maintenant passer de 80 000 vols aller-retour par an, à 120 000. Il devrait donc atteindre les 3,9 millions de passagers d’ici 2010.
De nouvelles règles européennes pour réduire les retards des vols
Il existe un autre projet, à l’échelle européenne qui devrait permettre de réduire les retards. L'Union Européenne a déjà démantelé les barrières aux compagnies qui survolent son espace aérien, mais le trafic aérien reste inefficace en raison d’incohérences basées sur les frontières terrestres. Les avions sont dirigés de manière indirecte: un vol court, de Bruxelles à Rome doit par exemple être supervisé par neuf centres de contrôle différents.
L’Union Européenne cherche à corriger le tir, par la création d’un Ciel Européen Unique, ce qui éliminerait les frontières terrestres au niveau aérien. Cette idée s’inspire du modèle américain: aux Etats-Unis, sur une superficie équivalente à celle de l’UE, mais avec un trafic aérien deux fois plus important, il y a deux fois moins de contrôleurs aériens, et malgré tout un taux de ponctualité plus élevé. En 2003, lorsque le projet a été initié en Europe, ce taux de ponctualité était de 77% aux Etats-Unis, contre 73% en Europe.
Aujourd’hui, KLM estime que les compagnies gaspillent 5 milliards d’euros en empruntant des itinéraires indirects en Europe, et émettent inutilement 16 millions de tonnes de CO2. Un projet législatif sur la question est actuellement en discussion à Bruxelles.
«Cela devrait profiter aux passagers », commente Simon Evans, directeur général de l’organisme de contrôle Air Transport Users Council (Conseil des Usagers de Transports Aériens). «En plus des questions de sécurité, le secteur aérien devra gérer une demande de plus en plus grande, et devra faire sa part dans la réduction des retards.»
Vous n’êtes sans doute pas consolé, si votre avion n’a toujours par décollé, et que vous arrivez à la fin de cet article… Mais il y a quelques signes positifs, malgré tout.
Voir aussi notre article Le-trafic-aerien-vu-du-ciel.