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Air France : les pilotes et la direction n’ont aucune raison de s’opposer

Air France : les pilotes et la direction n’ont aucune raison de s’opposer

La survie d’Air France passe par un meilleure dialogue social, des rapports de force apaisés. Un nouveau président venant du monde de l'aérien serait bienvenu alors que l'entreprise a été trop longtemps dirigée par de grands commis de l'Etat...

 Comme on l’a vu dans notre article Comment rendre Air France plus rentable?, le différentiel de salaires entre Air France et Lufthansa est peu important alors qu’ils représentent 29,5% des revenus chez Air France contre 28,6% chez KLM.

Contrairement également à ce que l’on pourrait penser, Air France n’a pas trop d’effectifs si on la compare à ses concurrents. Elle emploie 80595 personnes pour des revenus de 25,78 milliards soit un CA d’environ 319000 euros par employé. Il est meilleur que chez Lufthansa (275000 euros par employé, 129424 employés 35,6 milliards de CA), que chez American Airlines (278000 euros, 126600 employés et 35,26 milliards de CA) mais mins bon que chez British Airways (348000 euros par employé, 39762 employés et 13,86 milliards de CA).

En terme d’effectifs et de revenus, la compagnie est plutôt mieux gérée que la moyenne.

Mais il est sans doute vrai que les pilotes sont très bien payés à Air France : un un copilote gagne en moyenne 12759 euros brut par mois contre 17842 euros pour un commandant de bord et 19831 euros pour un instructeur.

La relation entre la direction et les pilotes ne devrait pas être aussi tendue et les syndicats des pilotes devraient comprendre qu’ils doivent peut-être accepter des efforts un peu plus importants que le reste des salariés. D’autant que les actionnaires ont fait des efforts en ne recevant pas de dividendes depuis 2007.

Les groupes Lutfhansa et IAG sont dirigés par d'anciens pilotes

Par contre en terme de direction, la compagnie a souvent été dirigée par des grands commis de l’Etat ce qui ne facilite pas sans doute les discussions.

D’autant que l’Etat a fait peu d’efforts pour porter la voie des grandes compagnies européennes vis à vis du dumping social exercé par les low-costs et qui représente une concurrence déloyale.

Le président de Carsten Spohr est un pilote et le groupe est plutôt bien géré ce qui montre que lorsque l’on a des spécialistes du secteur, cela fonctionne. Il a une license lui permettant de piloter un A320.

Il est amusant de constater que Willie Walsh, le CEO d’IAG la maison mère qui chapeaute British Airways, Air Lingus, Vueling, Iberia est également un ancien capitaine de B737.

On voit ainsi que les président des deux plus grandes compagnies européennes ont été d’anciens pilotes : quel président d’Air France ces dernières années l’a été?

Ce sont toujours de grands commis de l’état qui ont géré la compagnie.

Ne serait-il pas temps de changer à la fois l’état d’esprit des syndicats de pilotes et de la direction pour entrer dans une nouvelle ère de cogestion commune?

C’est ce que semble penser Erick Derivry l’ancien président du SNPL qui plaide pour que le nouveau président ne soit pas un directeur de cabinet ou un grand commis de l'État. La nomination dAnen-Marie Couderc ne semble pas aller dans ce sens...

Pour un nouveau président fin connaisseur de l'aérien

« A contrario, un tandem président et directeur général connaisseurs de l'aérien, négociant en amont une réduction programmée des parts de l'État dans le capital et son désengagement de la gouvernance, changeant drastiquement l'organigramme de l'entreprise pour y placer de vraies compétences et une véritable équipe, exigeant de véritables mesures de réduction du poids des taxes et charges qui pèsent sur la compétitivité du transport aérien, réconciliant enfin Air France et KLM, discutant en amont avec les représentants des salariés les conditions d'une paix sociale sur six mois le temps de définir un nouveau plan stratégique, serait bien accueilli par des salariés désorientés et des actionnaires désabusés» indique-t-il dans une tribune.

Air France très faiblement valorisée en Bourse aujourd'hui

Car rappelons le Air France n’est pas si mal gérée que cela aujourd’hui mais ses frasques font chuter sa capitalisation boursière.

Alors que l’Etat parle de se retirer ce serait vraiment une très mauvaise affaire aujourd'hui alors que la valeur boursière du groupe de 3 milliards d’euros ne reflète absolument pas sa valeur intrinsèque et alors qu’elle est du 1/4 de celle de Lufthansa et de 1/5 de celle de British Airways. L'Etat devra dans tous les cas attendre une meilleure valorisation.

C'est pourquoi l'Etat devrait s'attacher à nommer un président compétent et fin connaisseur du monde aérien : pourquoi pas d’ailleurs l’actuel président de KLM?

Pourquoi l'Etat ne règle pas les vrais problèmes de la compagnie et n'est pas plus sévère avec les sociétés qui pratiquent le dumping social ?

Des points importants seront à privilégier pour redresser la rentabilité de la compagnie et du secteur comme le pointe Erick Derivry : l'augmentation de 12,7 % de la taxe de solidarité en 2014 (Air France paie à elle seule un tiers de la contribution mondiale soit 63 millions d'euros ), l'arbitrage de l'État sur les augmentations de redevances aéroportuaires de la part d'une entreprise sous monopole (Paris Aéroports), le refus de l'État d'assumer son rôle régalien en matière de sûreté, le coût du travail (sur des salaires plutôt élevés dans l'aérien) alors que Lufthansa bénéficie outre-Rhin d'un plafonnement des charges sociales, la fausse neutralité de l’État qui, bien qu'actionnaire d'Air France à hauteur de 14,3 %, dispose du double de droits de vote, les réactions très molles de l’administration française des fraudes organisées en matière de détachement par les compagnies low-costs….

 Il s’agit aussi d’une vrai problème européen alors que de nombreuses compagnies low-costs sont originaires de pays aux standards sociaux et d’imposition bien moins élevés qu’en France.

Au final on constate que sans un vrai changement de gouvernance, une cogestion avec les pilotes (et non plus une discussion via syndicats interposés) et un Etat plus soucieux de la vitalité de ses fleurons (qui ont trop souvent été revendus sans autre forme de procès ces dernières années), Air France est condamnée à mourrir à petits feux.

Un autre avenir est encore possible mais nécessite un vrai changement d'état d'esprit de la part de la direction et des salariés dans un esprit de cogestion dynamique à la nordique!