Vouloir réduire arbitrairement l’aérien par vision idéologique conduit à un affaiblissement de l’économie française. Les aéroports français ont réussi à maintenir le cap en 2023 malgré une réglementation contraignante et une vision peu inspirante...
Même si le trafic global des aéroports français a augmenté de 14,2% en 2023 pour atteindre 198,680 millions de passagers, ce trafic reste toujours en baisse par rapport à 2019 de -7,3%. La situation s’est cependant amélioré tout au long de l’année avec un retour à 98% du trafic de 2019 en décembre 2023. Globalement 74% des aéroports ont retourné leurs niveaux de 2019 soit 70% des aéroports métropolitains et 85% des aéroports d’Outre-mer.
Boom du low-cost
Le trafic low-cost a été le grand bénéficiaire de la période d’après Covid alors qu’il a dépassé les niveau de 2019 de 13,8% alors que le trafic traditionnel n’atteint que 80?8% de ses niveaux d’avant l’épidémie. Le trafic low-cost représente ainsi 43,2% du trafic de la France métropolitaine contre 35% en 2019 et 61,4% du trafic des aéroports régionaux.
Beauvais a ainsi connu une année 2023 fabuleuse avec l’implantation d’Easyjet : son trafic a progressé de 22,2% soit la plus forte progression des aéroports de plus d’un million de passagers avec une hausse de 41,6% de son trafic depuis 2019 alors que la majorité des 15 aéroports de plus d’un million voient leur trafic baisser hormis Marseille (+6,4% par rapport à 2019) grâce à la progression du trafic vers le Maghreb et la Corse.
Pour les aéroports de plus petite taille, quelques-uns ont dépassé les 30% de croissance par rapport à 2022 comme Metz (+129,9%), Tarbes-Lourdes (+46,3%), la Rochelle (+39,8%), Limoges (+36,7%) et Nîmes (+36,2%).
Le croissance international a également bien repris avec une hausse de 20,2% en baisse de seulement 2,8% par rapport à 2019. Le trafic domestique a quant à lui diminué de 1,8% par rapport à 2022 avec un retard de 20,8% par rapport à 2019.
L'arrêt de la navette vers Bordeaux laisse la SNCF en monopole et les monopoles ce n'est pas bon
L’arrêt de la présence d’Air France à Orly ne va sans doute pas arranger les choses dans le futur. Air France a décidé de quitter son hub d’Orly d’ici 2026 au grand dam de nombreux voyageurs d’affaires qui utilisaient intensivement la navette. Un départ qui va faire mal aux vols domestiques déjà perturbés par l’obligation imposée par le gouvernement aux compagnies aériennes d’abandonner les dessertes pouvant être faites en train en moins de 2H30.
Cela a d’ailleurs agacé de nombreux voyageurs d’affaires notamment entre Paris et Bordeaux alors qu’il n’y a plus de concurrence au train : les prix ont augmenté et le service de la SNCF n’est pas vraiment au rendez-vous par rapport à celui d’Air France. Cette loi a conduit à la suppression des lignes Orly-Nantes, Orly-Lyon et Orly Bordeaux soit environ 1,1 millions de passagers. La Commission Européenne très idéologique comme le gouvernement français actuel avait débouté les recours de l’UAF et de la Scara en 2022.
« Sur les lignes radiales il n'y a plus de croissance à cause du train. Mais heureusement sur les lignes de région à région (transversales) en 10 ans entre 2009 et 2019 il y a eu une forte croissance où l'alternative ferroviaire n'est pas suffisante » a expliqué Thomas Juin, Président de l’UAF. Les voyageurs sont de fait obligés à utiliser les services d’un monopole sur certaines liaisons radiales ce qui n’est pas adéquat dans une économie de marché.
Le gouvernement taxe sans vision à long-terme
L’autre problème qui se pose aux aéroports hormis cet aspect idéologique peu réaliste est le poids des taxes de l’Etat comme la nouvelle taxe sur les infrastructures de longue distance. Elle concerne tous les aéroports remplissant certains critères de chiffre d'affaires et rentabilité dont : ADP, Nice, Lyon, Marseille et Toulouse qui pourrait très prochainement atteindre les seuils et être également soumis à cette taxe.
« Aujourd’hui, afin de répondre aux besoins de mobilité aérienne des Français et aux défis du changement climatique, nos aéroports doivent réussir tout à la fois leur transition énergétique et leur transformation numérique et gagner le pari de la qualité de service. Il faut donc leur laisser les capacités financières pour investir en réformant le cadre de la régulation aéroportuaire et en abandonnant toute idée de fiscalité nouvelle sur les aéroports. La taxe sur les infrastructures de transport de longue distance est donc le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Le risque est là de se retrouver dans une dizaine d’années avec des infrastructures aéroportuaires vétustes et dépassées au détriment de l’attractivité de la France et de ses territoires » explique Thomas Juin.
« Il y a un manque de pragmatisme par rapport à l'aviation avec des injonctions contradictoires: interdiction de voler vols intérieurs dommageables, compenser à 100% les vols intérieurs, nouvelles taxes. Les conséquences sont redoutables en terme d'emplois.
Roissy pénalisé vis à vis d'Heathrow par la situation géopolitique : le trafic en provenance d'Asie reprend trop doucement
Car pendant que la France taxe d’autres se développent. L’aéroport anglais d’Heathrow a profité de l’explosion du trafic transatlantique et a atteint 79,2 millions de passagers en 2023 bien loin des 67,421 millions de Roissy.
Alors que le Royaume-Uni bénéficie de sa relation traditionnelle très forte avec l’Amérique, les aéroports français souffrent de la situation géopolitique qui divise le monde. Alors que la reprise a été lente en Asie du fait des restrictions plus longue suite au Covid, la guerre en Ukraine a bousculé les voyageurs. En interdisant l’espace aérien sibérien aux compagnies occidentales, cela réduit de fait le trafic et renchérit les coûts alors que la France aurait du profiter de l’explosion du tourisme chinois. On voit donc que la position diplomatique de la France influe sur le tourisme. Du fait de la politique étrangère française et de l’alliance de la Chine avec la Russie, les voyageurs chinois se recentrent sur l’Asie au détriment de la France. Et le trafic entre la Chine et la France est loin d’avoir retrouvé les niveaux de 2019.
La situation géopolitique profite ainsi aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni et affaiblit la France.
Les aéroports doivent investir mais sont très taxés
D’autres problèmes se posent comme les investissements.
Les aéroports de Londres ont prévu de mettre en place des scanners 3D aux contrôles de sécurité ce qui permettra d’emporter des liquides plus de 100 ml dans ses bagages à main. Interrogé à ce sujet par BusinessTravel, Thomas Juin nous indique que cela devrait être possible d’ici 2026-2027 dans les aéroports parisiens. « Mais cela demandera d’importants investissements. Il va falloir repenser les espaces car ces machines prennent plus de place. Cela va peser sur la taxe d'aéroport de sécurité ».
Nous avons également demandé quelles actions seront faites par l’Etat pour améliorer le contrôle aérien suite à l’incident d’un vol à l’aéroport de Bordeaux le 31/12/2022 et à l’enquête du BEA où deux avions avaient failli se percuter par négligence des contrôleurs. Quid aussi du peu de personnel de police aux frontières à certains horaires à Roissy? « On demande depuis longtemps une modernisation du contrôle aérien et il faudrait que l'on parvienne à faire un ciel unique européen ce qui permettrait une réduction de 10% des émissions carbone. Quant aux contrôles aux frontières on a demandé une augmentation des effectifs il y a eu un déploiement important qui se poursuit » nous assure-t-il.
« Le gouvernement nous demande d’arrêter de prendre l'avion, mais est-ce crédible? Nous répondons à une demande et nous l’accompagnons. Serait-ce crédible d’interdire à des familles de se rendre en Algérie après le Covid? Ou de faire des voyages long-courriers en train? Il faut qu'il y ait une alternative crédible… » conclut Thomas Juin.
Une alternative qui manque généralement et qui rend l’avion incontournable dans le monde réel bien éloigné de l’idéologie en cours aujourd’hui chez certains politiques.