Il était temps! Un rapport du Sénat a mis un pavé dans la mare sur le sujet des ZFE qui sont très critiquées par de nombreux français et associations…
C’est l’Union Européenne du fait de l’influence croissante des partis écologistes notamment en Allemagne qui a demandé à tous ses pays membres d’instaurer des zones à faibles émissions. Il est vrai que la qualité de l'air est un problème important dans de nombreuses villes européennes
Mais comme nous l'avons souligné dans cet article, les ZFE posent un problème de taille dans un pays démocratique : l’accès à tous à la liberté de se déplacer.
La mise en place trop rapide des ZFE va augmenter considérablement le nombre de personnes possédant une voiture ancienne et ne pouvant plus se déplacer dans les grandes villes. Selon Auto Plus et d'après le planning prévu originellement à partir du 1er juillet 2023, les voitures CRitair3 soit la majorité des diesel ne pourront plus se déplacer à Paris. On estime que cela va laisser sur le carreau plus de 842318 véhicules soit 32,3% du parc d'automobiles de la métropole. Rien que ça.
Le 14 juin le Sénateur Philippe Tabariot a publié son rapport pour sortir de l’impasse des ZFE. Il préconise de donner plus de libertés aux agglomération pour repousser la date butoir à 2030. Car selon le Sénat les mesures semblent disproportionnées notamment « du fait d’un calendrier de restriction rapide et restrictif avec l'interdiction de trois classes de véhicules en trois années successives, pour aboutir sur une interdiction des véhicules Crit'air 3 ou plus à partir de 2025 ».
Le Sénat avait déjà critiqué les mesures trop strictes décidées dans la loi « Climat et résilience »
Lors de l’examen de la loi « Climat et résilience » le Sénat avait estimé que ces mesures étaient disproportionnées à deux égards. Il avait noté : « elles ne sont pas adaptées aux réalités de délais de déploiement des ZFE-m : les dispositions votées par l'Assemblée nationale imposeraient un délai de moins de deux ans aux collectivités concernées pour mettre en place des ZFE-m. Par ailleurs « l’imposition aux collectivités territoriales du détail des restrictions de circulation va à l'encontre de la philosophie originelle de l'instrument, pensé comme un outil au service des territoires pour qu'ils puissent réguler, selon leurs besoins, la circulation de véhicules polluants ».
Le nouveau rapport du Sénat préconise un report en 2030
Ce nouveau rapport propose de reporter au 1er janvier 2030 la date butoir de mise en œuvre des restrictions de circulation s'appliquant aux véhicules classés Crit'air 3. Ce report vise à permettre aux agglomérations qui le souhaitent de synchroniser l'entrée en vigueur des restrictions de circulation avec le déploiement de solutions alternatives et l'accélération du soutien de l'État aux ménages les plus impactés par les ZFE-m dans l'acquisition de véhicules peu polluants - deux prérequis qui supposent du temps.
Ce qui permettrait de plus que les aides destinées aux ménages profitent avant tout aux constructeurs français : « ce décalage dans le temps permettrait en outre de synchroniser l'entrée en vigueur des restrictions de circulation avec l'émergence d'une offre complète de véhicules peu polluants par les constructeurs automobiles français. En l'état actuel, les aides à l'acquisition de véhicules peu émetteurs bénéficient en effet en grande partie à des constructeurs étrangers » note le rapport.
Pour ce qui concerne les agglomérations de plus de 150 000 habitants, dont la création est rendue obligatoire au plus tard le 1er janvier 2025 par la loi « Climat et résilience », plusieurs d'entre elles ont également indiqué que cette échéance leur semblait trop proche, voire même « impossible à tenir » et qu'un décalage du calendrier serait bienvenu, quand bien même les règles encadrant ces ZFE-m sont bien moins contraignantes. C'est pourquoi la commission a proposé également de décaler cette échéance au plus tard au 1er janvier 2030. Là encore, ce report de l'échéance laisse la possibilité aux agglomérations souhaitant mettre en place une ZFE-m avant cette date de le faire.
Il est à noter que certaines agglomération estiment par ailleurs que les ZFE ne sont pas la panacée et ne sont pas nécessairement le moyen le plus acceptable pour améliorer la qualité de l’air. La Communauté urbaine de Dunkerque a par exemple mis en avant que le dispositif ZFE-m y était difficilement acceptable pour la population, compte tenu de la présente sur son territoire d'industries très polluantes (la part des émissions de NO provenant du trafic routier y est de 7 % ce qui est très faible en comparaison avec les autres territoires). Dijon Métropole résume ainsi la situation : « En cristallisant les inquiétudes, la ZFE n'a pas véritablement contribué à mettre la qualité de l'air au coeur du débat. C'est plutôt la question plus générale de la soutenabilité et de l'acceptabilité sociale des mesures nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique qui s'est trouvée propulsée au-devant de la scène. Ne serait-il pas pertinent de revenir sur le cœur de cible en plaçant par exemple une contrainte générale plus importante sur les objectifs en matière de qualité de l'air sur les collectivités, dans le cadre de l'élaboration de leur PCAET, mais en leur laissant la possibilité d'adopter les mesures les plus adaptées à leurs spécificités territoriales, dont la ZFE, mais pas uniquement. Il s'agirait de positionner la contrainte sur l'objectif, pas sur les moyens de l'atteindre. »
Les ZFE ne règlent pas non plus le problème de la pollution induite notamment en Ile-de-France par la remise en service des centrales à charbon allemande pour palier à l’arrêt du nucléaire.
Le Sénat veut changer les règles des vignettes Critair
Le rapport note aussi qu’il est nécessaire de revoir les règles concernant les vignettes Critair. En effet, le système de vignettes Crit'air ne tient compte que de la motorisation du véhicule et de sa date d'immatriculation. D'après l'association 40 millions d'automobilistes « Le système est obsolète, il définit l'ancienneté du véhicule, mais pas son caractère polluant. Un véhicule ancien, s'il est bien entretenu et/ou s'il roule peu, sera moins polluant qu'un véhicule récent type SUV ou un véhicule qui roule beaucoup. L'entretien du véhicule peut en effet avoir une incidence sur la quantité de polluants émis par le véhicule et sur sa performance environnementale. Mobilians met ainsi en avant l'utilité de l'éco-entretien des véhicules, qui consiste à « analyser les gaz d'échappement afin d'entretenir ou de réparer de manière ciblée les organes dégradés du fait de l'utilisation du véhicule ». L'association Eco-entretien78(*) estime ainsi qu'un véhicule peut, après réparation ciblée, réduire ses émissions de CO2 de près de 10 %, de NOx de 55 % et de particules fines d'environ 80 %. Cet organisme estime en outre qu'une large partie du parc de véhicules serait en « surémissions » de polluants par rapport à ses caractéristiques d'origine. Cela serait une solution bien plus écologique que de mettre au rebut des millions de véhicules anciens. Le rapport préconise donc d’instituer une vignette « Éco-entretien » pour les véhicules respectant des seuils d'émissions polluantes dans le cadre du contrôle technique qui permette çà ces véhicules d’accéder aux ZFe de manière dérogatoire.
Le Sénat demande plus d'aides et la suppression de celles-ci pour les plus riches
Le rapport préconise également d’accélérer le verdissement du parc automobile en renforçant les aides à l’acquisition en instituant un barème progressif en fonction du niveau de revenus des ménages, en retirer les 9e et 10e déciles des ménages éligibles au bonus écologique et en instituant un système de majoration de l'aide pour les personnes résidant en dehors de la ZFE-m, mais y travaillant. Le rapport préconise aussi de généraliser le prêt à taux 0 pour l’acquisition de véhicules propres et légers et d’instituer un guichet unique pour l’obtention des aides à l’acquisition d’un véhicule propre. Enfin le rapport propose de créer une choc d’offre de transports alternatifs à l'autosolisme (services express régionaux métropolitains, services de car express, pôles d'échanges multimodaux, etc.) articulés autour du dispositif de ZFE-m et définir de nouveaux dispositifs incitatifs au report modal (TVA à 5,5 % sur les transports collectifs et accès à des solutions alternatives de mobilité en cas de mise au rebut d'un véhicule polluant).
L'association France Urbaine satisfaite du rapport du Sénat
L’association France Urbaine s’est félicitée de ce rapport « qui partage la nécessité d’allier transition écologique et justice sociale dans la mise en place des Zones à Faibles Emissions 7. L’association estime que les « élus des grandes villes, agglomérations et métropoles, dans l’esprit transpartisan et constructif qui est le leur, ont bon espoir à ce que l’Etat entre dans cette dynamique pragmatique et engage la mise en place de mesures ambitieuses, lisibles et justes, préconisées par tous les acteurs ».
Va-t-on enfin vers plus de pragmatisme et moins d’idéologie en France? Après le renouveau du nucléaire, une vision plus pragmatique des ZFE est bien vue et préfigure peut-être un vision plus réaliste de l’intérêt des véhicules électriques, surtout utiles dans les grandes villes et s’ils sont de petite taille.
Il ne reste plus qu'à aborder plus pragmatiquement le problème de l'immigration en France comme l'ont fait les pays nordiques récemment à l'image de la Suède ou du Danemark sans idéologie.