Le Meurice a donné carte blanche à Alain Ducasse et Philippe Starck pour ses espaces de restauration : le résultat est à la hauteur du talent de ces deux personnalités…
Le Meurice est le plus ancien palace classé de Paris : il l'a été en 1835. C'est pourquoi il était difficile pour Philippe Starck de chambouler totalement l'atmosphère de ce lieu comme il l'a fait pour d'autres hôtels devenus cultes à l'image du Delano à Miami.
Au Meurice, Philippe Starck a donc décidé, malgré une totale liberté, d'y imposer sa patte en douceur: «j'ai voulu y aller par petites touches afin de me laisser porter par le lieu» a-t-il déclaré.
Au centre du restaurant gastronomique trône une magnifique sculpture en verre de Murano créée par un artisan. Elle est assortie à une autre sculpture sur le même thème apposée sur la cheminée, donnant une touche féérique à la mise en scène imaginée par Mr Starck.
Dans le reste de la salle, le mobilier est sobre et va à l'essentiel (comme la cuisine d'Alain Ducasse) avec des chaises blanches design Tulip d’Eero Saarinen et des paravents transparents où sont disposées des photos comme un clin d’œil surréaliste à l'ouvre de Dali (qui a séjourné à maintes reprises au Meurice).
La patte de Starck apporte un contraste bienvenu à l'exubérance classique du décor d'origine avec ses fresques au plafond et ses chandeliers en cristal.
Pour apporter un peu de chaleur, Starck a disposé des touches de cuivre rosé via des meubles et des accessoires, des abat-jours qui diffusent une lumière douce et un écran vidéo disposés à terre près de la cheminée où s'animent les flammes d'un feu de bois.
A côté, dans le restaurant Dali (où Starck avait déjà travaillé en 2007 contrairement au restaurant gastronomique), un immense miroir au fonds de la salle agrandit l'espace. Il sert aussi accessoirement à admirer la grande draperie pendue au plafond et à lire ses citations.
Starck a réussi à rendre cette salle paussi chaleureuse et intimiste que le restaurant gastronomique voisin, malgré ses volumes plus importants
On est séduit par l'atmosphère cosy du lieu avec son grand tapis épais, ses abat-jours en soie naturelle où sont suspendues des gouttes de polymère et ses tables rétro éclairées la nuit. Il est à noter que l'agencement des tables garantit une bonne intimité.
Dans l'assiette, l'excellence est également au rendez-vous.
Nous avons particulièrement apprécié la saveur doucement acidulée du bar mariné au citron/piment, l'assortiment de riz noir de calamars et de coquillages pour déguster l'essence (dixit Mr Ducasse) de chaque produit et la dorade à la plancha, à la courgette violon et à la fleur farcie, parfaitement cuite et qui diffusait dans le palais des saveurs citronnées. Saluons l'expertise de Jocelyn Herland et de sa brigade à qui Alain Ducasse a délégué la cuisine.
Les vins, champagne sélection Alain Ducasse, Côtes de Provence blanc Château Rasque et Baux de Provence Château Dalmeran étaient légers et frais comme les mets. Mais la palme de ce repas revient sans doute aux desserts, même pour quelqu'un qui n'est pas particulièrement fan des saveurs sucrées.
Le chef pâtissier, Cédric Grolet (en photo ci-contre), est un artiste cuisinier de haute volée. Son citron reconstitué à l'estragon sublime le fruit d'origine.
On croit avoir dans son assiette un citron vert confit qui ressemble comme une goutte d'eau au fruit. Et pourtant, il s'agit bien d'une pâtisserie en trompe l’œil. Une légère pression sur la coque laisse apparaitre un intérieur croquant qui s'apparente exactement à la peau d'un vrai citron. Le dessert est fourré d'un mélange de mousse et de marmelade de citron, rehaussé de menthe fraîche. Un dessert UNIQUE!
Les deux autres pâtisseries, le Paris Brest fondant et la tarte au café, onctueuse au possible, étaient comme des hommages à la tradition d'excellence pâtissière française: il est vrai que le chef a été élu (nous l'avons appris à cette occasion), meilleur pâtissier de l'année 2015.
Si vous voulez juste sentir l'ambiance des lieux, sachez qu'il est également possible de prendre un verre au Meurice dans le bar anglais 228 où trône un bar en marbre de Carrare rétro-éclairé.
Au final le Meurice a réussi à rendre ses espaces de restauration chaleureux, avec des salles où le décor égale l'assiette. En bref, au Meurice, l'on se sent presque comme chez soi (ce qui est somme toute assez rare pour un palace), grâce à Ducasse qui se décarcasse et Starck qui se démarque !