Alexandra Pousson, sa femme et ses enfants ont voyagé pendant plus de 4 ans sur l'île rouge l'une des plus belles mais aussi l'une des plus pauvres au monde. Un voyage épique...
Madagascar est cette grande île perdue dans l'océan indien à la culture métissée unique fruit d'un mélange entre les peuples africains et les peuples d'Indonésie. C'est un petit bout d'Asie perdu à l'Orient de l'Afrique.
Alexandra Poussin, sa femme et ses enfants ont eu une idée magique pour visiter cette île.
Cette idée s'est matérialisée sous la forme d'une charrette rustique en bois mais équipée de quelques aménagements modernes comme un panneau solaire avec comme mode de propulsion de bons vieux zébus malgaches.
L'objectif était de découvrir l'île tout en lenteur, à la façon malagache Mora Mora, afin de provoquer des rencontres avec les habitants.
Et les rencontres n'ont pas manqué, bonnes ou mauvaises.
Le couple a vite appris à mieux connaître les coutumes malgaches et notamment les Fady, les tabous interdictions.
Leurs enfants Ulysse et Philaé ont adopté un beau caméléon qui n'est pas passé inaperçu au cours du voyage. En effet « les caméléons sont souvent considérés comme Fady car ils sont considérés comme de puissants ancêtres maudits réincarnés qui n'ont pas eu de place au ciel. C'est pour cela qu'ils ont un oeil qui regarder vers la terre et l'autre vers le ciel » leur explique leur guide Tovo. Ce caméléon a d’ailleurs joué un tour à l'équipe comme pour conforter sa réputation en faisant bondir un zébu de peur ce qui a failli entrainer la charrette dans un précipice : on ne joue pas avec les fady à Madagascar!
Parmi les autres multiples fady, On peut citer l'interdiction de couper certains arbres comme les tapias qui abritent les lombyx pour faire la soie malgache, moins connue à l'international mais prisée dans le pays.
Le voyage ne s'est pas fait sans peine, le réseau routier étant pour le moins primaire à Madagascar d'autant qu'ils avaient choisi d'emprunter les axes secondaires pour éviter le trafic et partir à la rencontre des habitants. L'aide des habitants leur a été précieuse tout au long du parcours soit pour les héberger pour une nuit ou plus ou pour leur aider à traverser des cours d'eau. La traversée de la rivière Sakay a été une aventure à elle seule qui a nécessité la présence de nombreux villageois : la charrette a pu traverser un grand cours en flottant difficilement grâce à l'arrimage de 10 bidons de 20 litres et à l'huile de coude des malgaches enthousiastes.
Le livre permet de comprendre les affres du peuple malgache et leur vie parfois excessivement difficile comme ces 64 personnes entassées dans une unique maison qui vivent de 2 hectares de riz. Ce qui laisse selon Alexandre Poussin à peine 1000 euros à dépenser en un an pour 64 personnes!
Nos joyeux explorateurs apprennent aussi à découvrir d'autres aspects négatifs de Madagascar comme les Dahalo : les bandits de grands chemins voleurs de zébus. Ils laissent ainsi leurs enfants à Antsirabé pour se rendre à Massiakampy classée en zone rouge.
Ils seront guidés durant les derniers kilomètres par un ancien Dahalo connu sous le nom de Nazy. Le couple embarque ensuite pour 10 jours sur le fleuve Tsihiribina pour aller soigner la population isolée avec l'association Ar Mada. La dénutrition infantile est l'un des plus grands problèmes que subit la population du fait d'amibiases ou de vers. L'histoire d'un fillette malingre est terrible. Sa grand-mère l'apporte aux équipes d'Ar Mada totalement amaigrie. les médecins offrent à la grand-mère des boites de lait pasteurisées en lui disant qu'avec ces quelques boites la fillette s'en sortira. Quelques mois plus tard ils apprennent que la grand-mère a vendu les boites de lait et est partie en laissant sa petite-fille mourir.
Une boite de lait vaut en effet le salaire mensuel d'un ouvrier agricole (30000 Ariary) et l'extrême pauvreté fait parfois fi de la morale dans ce pays, malheureusement. D'autant que la météo ajoute aux soucis. « Si la saison des pluie arrive trop tôt on peut perdre 30 à 40% de nos récoltes » explique un malgache aux deux explorateurs. La misère est de plus accentuée par l'absence de contraception chez les femmes, celle-ci étant considérée comme Fady. Mais heureusement les mentalités changent et les pilules sont de plus en plus utilisées y compris en cachette.
La nature souffre également de cette situation. De nombreux politiques ont encouragé les habitants à défricher les forêts en leur offrant des lopins de terre ce qui a eu pour effet de décupler la déforestation, d'augmenter les périodes de sécheresse et de détruire tout l'écosystème. Il est ainsi bien plus difficile de rencontrer des lémuriens sur les pistes, alors qu'il y a 10 ans j'en ai rencontré beaucoup autour de Morondava.
A partir de Belo sur Mer, la charrette est embarquée sur une goélette pour longer la côte ouest de Madagascar, les pistes étant très difficiles. Cette région est peu peuplée et abrite de somptueuses plages avec quelques aventuriers français ayants élu domicile dans ce petit paradis pour monter des chambres d'hôte. Les nomades de la mer les Vezo peuplent cette contrée où les poissons autrefois nombreux sont de plus en plus rares à cause notamment des exportations pour fournir en poissons les hôtels de l'île Maurice (le lagon a été surexploité à Maurice et abrite désormais bien peu de poissons) via des réseaux de collecteurs. On voit ainsi l'absurdité de notre monde : on surexploite des zones qui deviennent improductives pour aller détruire les zones encore intactes. Où cela mènera-t-il?
Ce voyage à Madagascar est une ode à l'aventure et à la saveur des rencontres qui donne envie de prendre l'avion dès la lecture terminée. AVant de partir n'oubliez pas de lire le lexique à la fin du livre pour apprendre un minimum de vocabulaire malgache et la liste de chansons à emporter sur votre smartphone. Soava Dia! (Bon Voyage)
Plus d'infos:
Alexandre Poussin a coécrit avec Sylvain Tesson deux récits: On a roulé sur la terre et La Marche dans le ciel.
Madatrel est publié aux éditions Robert Laffont. 484 pages, 20 euros TTC.