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Rage de l'air : quand les voyageurs deviennent violents !

rage-coup.jpgQuel est le point commun entre un noble conservateur, une grand-mère et un vieux diplomate. Ils ont tous les trois été accusés de rage de l'air ; en d'autres termes, d'avoir eu un comportement violent et perturbateur envers le personnel de cabine ayant mené à une déviation du vol.



La grand-mère, Doris Healy, a écopé de six mois de prison à la suite d'un accès de violence en 2000 sur un vol à destination de la Floride : durant le vol, passablement ivre, elle avait à trois reprises frappé un agent de bord. Lord Fraser de Carmyllie a été arrêté en décembre pour conduite portant atteinte à l'ordre public à bord d'un vol ScotAirways de Londres à Dundee (les charges n'ont pas été retenues), tandis que le colonel Peter Roberts MBE, ancien attaché de défense britannique en Thaïlande, a été disculpé lorsque son état d'ébriété sur le vol d'Abou Dhabi à Londres s'est avéré être le résultat d'une consommation d'alcool et d'un antidépresseur. Récemment le célèbre animateur de télévision Jean-Luc Delarue a eu également un comportement violent à bord d'un vol.

Des histoires comme celles-ci, il y en a toujours eu : attaques envers le personnel ou les autres passagers, assauts sur le poste de pilotage ou même tentatives d'ouverture des sorties de secours en plein vol. Mais ce n'est qu'en 1996 que la rage de l'air a officiellement été reconnue, suite au comportement de l'homme d'affaires américain Gerard Finneran dans la cabine de première classe du vol United Airlines de Buenos Aires à New York. Après s'être vu refuser un nouveau verre de vin, Finneran a agressé un agent de bord avant de baisser son pantalon et de déféquer sur un chariot alimentaire ; un fait divers qui a fait le tour du monde. L'intéressé a par la suite été condamné à une amende de 50 000 $. Nous ne pouvons qu'imaginer sa réaction s'il avait voyagé en classe économique.

Les cas de rage de l'air sont encore relativement rares en comparaison des millions de personnes qui prennent l'avion chaque jour, mais le nombre de ces incidents, tout comme leur gravité, est en pleine progression. Cependant, il est encore difficile de trouver des chiffres fiables et précis sur le sujet.

Mais qu'est ce qui peut bien rendre certaines personnes hors d'elles en plein vol. Plusieurs théories ont été avancées : le stress des retards, un manque d'espace à bord, l'interdiction de fumer, l'air de la cabine, un service de mauvaise qualité, la peur de l'avion, un sentiment de perte de contrôle, ou bien encore le marketing agressif dispensé par les compagnies aériennes. Tenter de noyer son anxiété dans l'alcool peut empirer les choses. Annie Barber, directrice générale d'Eurofleet (le service court-courrier de British Airways) explique que le personnel de BA suit un système d'échelons en cas de comportements perturbateurs ; le premier consiste à repérer toute personne en demande excessive d'alcool.

rage-alcool.jpg"Nous attribuons un certain nombre de points à chaque type de comportement", précise-t-elle. "La consommation excessive d'alcool, niveau le plus bas, correspond à 10 points. Cela peut monter jusqu'à 80 points pour une agression grave et physique sur un autre passager ou un membre d'équipage".

Passé 50 points, le passager reçoit un avertissement écrit et, en cas de violence, le personnel de cabine est habilité (et entraîné) à prendre certaines mesures : menottes et sparadrap. Dans le cas où un passager tenterait de s'en prendre à eux, les membres d'équipage reçoivent également une formation de base en "manoeuvres de séparation".

Les mesures physiques ne doivent être prises qu'en dernier recours, indique Philip Baum, rédacteur en chef de la revue Aviation Security International et directeur général de Green Light, entreprise proposant des formations dans la gestion des passagers perturbateurs. En effet, Baum a préféré mettre l'accent sur l'enseignement de techniques de communication visant à résoudre ce genre de situations.

Les règles doivent être très simples. "Ce que nous leur enseignons, nos élèves n'ont que quelques dixièmes de secondes pour s'en souvenir, et ce face à un passager potentiellement beaucoup plus fort qu'eux", explique Baum. Le principe est d'essayer de voir les choses du point de vue du passager. "Ne jamais dire à un passager de se calmer : la plupart ne se rendent pas compte qu'ils ont perdu leur sang froid. Faites plutôt preuve d'empathie en disant quelque chose comme : "Je vois que vous paraissez contrarié, monsieur. Puis-je faire quelque chose pour vous.'"

Mais si une grande quantité d'alcool est responsable de la situation, les choses deviennent plus délicates. "L'alcool joue un rôle majeur dans les incidents perturbateurs", souligne Philip Baum. "Il rend les gens moins rationnels et la technique douce ne marche plus. Nous devons alors permettre à l'équipage de reprendre le contrôle physiquement si nécessaire".

Les compagnies British Airways et Virgin affirment que leur personnel au sol est formé pour répérer les premiers signes d'ivresse ou de comportement indiscipliné et il y a plusieurs années, British Airways a étendu son système d'alerte au personnel de cabine. Des demandes ont été formulées afin d'interdire l'alcool à bord, mais BA estime qu'il serait trop compliqué d'obliger les clients à se débarrasser de leurs bouteilles duty-free. Le professeur Graham Lucas, psychiatre spécialisé dans l'aéronautique et basé aux hôpitaux Priory et à l'Université de Surrey, au Royaume-Uni, s'oppose à une telle interdiction mais suggère l'utilisation d'Alcootests. "Faire passer l'Alcootest aléatoirement avant l'embarquement me semble légitime. Si les pilotes et le personnel de cabine sont soumis à de tels examens, pourquoi pas les passagers. Après tout, c'est le comportement de chaque être humain présent dans l'avion qui dicte la sécurité à bord".

L'un des aspects les plus inquiétant mais aussi les plus fascinants de cette rage de l'air est qu'elle peut être déclenchée par les événements les plus mineurs. Dans un cas rapporté sur le site web de sécurité aérienne Air Watch (asi-mag.com), le passager Kevin Brown a été arrêté à Boston en novembre 2006 pour avoir agressé un agent de bord dont la seule provocation avait été de le réveiller avant l'atterrissage.

rage-cigarette.jpgSi l'on met de côté les effets de l'alcool ou du manque de nicotine, certaines personnes sont-elles plus particulièrement prédisposées à la rage de l'air. Ou même, dans certaines circonstances et après une très mauvaise journée, sommes-nous tous susceptibles de nous déchaîner de la sorte.

Robert Bor (photo ci-dessous), professeur de psychologie spécialisé dans l'aéronautique au Royal Free Hospital de Londres, a été parmi les premiers à poser cette question, il y a dix ans, lorsque le terme "rage de l'air" a été inventé. Face à l'augmentation des cas d'incidents perturbateurs, les psychologues ont en effet cherché à déterminer quels groupes de personnes étaient les plus susceptibles de perdre le contrôle.

 

Les hommes et les femmes de 50 ans sont plus violents

Statistiquement, environ 80% des concernés sont des hommes (généralement âgés de 20 à 30 ans), une donnée étroitement liée, d'après le professeur Bor, au lien entre alcool et rage de l'air. "Les hommes sont plus susceptibles de boire à l'excès et donc d'agir de manière impulsive et agressive lorsqu'ils sont ivres et qu'ils se sentent menacés ou dans un environnement mal contrôlé".

Mais les psychologues ont trouvé une autre catégorie aussi susceptible de semer la panique qu'une horde de mâles : la femme de 50 ans. Bor a donc changé de tactique. "Nous avons commencé à nous intéresser aux circonstances exactes de chaque incident" raconte le professeur. "Pourquoi un cadre supérieur, une star de la musique ou un citoyen moyen revenait-il ainsi au stade de l'enfance et des comportements provocateurs.".

rage-bor.jpg"Nous avons établi un lien : les 'problèmes liés au comportement', ce qui veut dire que certains auront tendance, dans une situation donnée, à se comporter de façon plus ou moins provocatrice ou menaçante. Après avoir examiné leurs antécédents judiciaires et même scolaires ainsi que certains aspects de leur vie, nous avons noté une nette tendance, chez certaines personnes, à aller à l'encontre de l'autorité. C'est donc bien la personnalité qui, couplée à un facteur déclenchant, prédispose aux conduites de ce genre".

"Un service client de mauvaise qualité peut irriter les passagers, mais il y a un moyen d'y remédier, et la manière de faire face à une telle situation ne sera pas la même pour un délinquant de l'air que pour un lecteur de Business Traveller. La plupart d'entre nous a les moyens de gérer son stress et sa contrariété".

Le professeur Lucas souligne que la rage de l'air n'est pas une entité spécifique : c'est exactement la même colère que l'on pourrait avoir dans n'importe quel autre endroit. Seulement, les conditions à bord peuvent facilement aboutir à des résultats bien plus graves qu'au sol. "Avec la colère, il y a un continuum. On commence par se sentir froissé si quelqu'un nous marche sur le pied ou range ses bagages égoïstement. Puis vient la colère et ensuite, la rage. Cette continuité s'applique dans n'importe quel endroit où vous confinez un certain nombre de personnes en une petite communauté isolée, ridiculement proches, énervés par l'alcool et le café. Ils se sentent à la merci d'un environnement qu'ils ne contrôlent pas, ce qui les prédispose à l'anxiété et à un comportement impulsif".

En général, les blessures et le stress subis par l'équipage après la confrontation avec un passager sérieusement perturbateur sont décrits de façon très détaillée. Dans l'un des cas les plus graves, rapporté en 1998, un passager (par la suite incarcéré) a brisé une bouteille sur le visage de l'hôtesse Fiona Weir, lui laissant des cicatrices indélébiles.

Comme le précise Philip Baum, de Green Light, des incidents moins graves que celui-là peuvent être tout aussi effrayants : "Même si l'agent de vol parvient à l'immobiliser, il peut garder un traumatisme lié aux menaces de mort proférées par le passager".

C'est non seulement le personnel mais aussi les autres passagers qui peuvent être gravement affectés. D'après le professeur Lucas, en cabine, équipage et passagers expérimentent "des réactions graves dues au stress" après un cas de rage de l'air qui, si elles ne sont pas traîtées, peuvent évoluer vers un trouble de stress post-traumatique.

Des assurances contre la rage de l'air


Une compagnie d'assurance a même décidé de prendre ce risque en charge dans une assurance habitation destinée à ses clients les plus fortunés. Le programme "Ultimate Home" de Zurich Private Clients inclut désormais, aux côtés d'autres délits comme le vol de voiture ou la rage au volant, tous les frais médicaux et psychiatriques liés à la rage de l'air. La société explique qu'elle s'est ainsi adaptée "à l'évolution des assurances prises par les individus les plus riches" et admet que sa politique vise "une clientèle fortunée".

Mais comment nous autres citoyens ordinaires allons-nous nous protéger des risques de la rage de l'air. En 1999, le gouvernement britannique a créé une nouvelle infraction : les "agissements perturbateurs". Elle concerne notamment l'état d'ébriété en vol et le fait de fumer dans les toilettes ou de perturber l'équipage. Les passagers perturbateurs peuvent écoper de peines allant jusqu'à deux ans de prison, mais l'Association des pilotes de ligne britanniques (BALPA) signale qu'ils s'en tirent trop souvent avec une simple amende. "Nous aimerions voir plus d'emprisonnements", regrette un porte-parole. "Quand l'affaire est portée devant la justice, voir l'accusé s'en tirer avec une petite tape sur le poignet est très décourageant pour l'équipage comme pour les pilotes".

rage-menottes.jpgBor reconnaît que de meilleurs moyens de dissuasion sont nécessaires : "Il y a dix ans, lorsque la rage de l'air a commencé à faire beaucoup parler d'elle, les transporteurs se sont mis d'accords sur une tolérance zéro, mais cette politique n'a pas toujours été suivie", raconte-t-il. "Si les compagnies aériennes peuvent fermer les yeux sur les agissements d'une célébrité, il n'y a pas de raison qu'elles n'en fassent pas de même pour un passager ordinaire".

C'est d'autant plus important que les délinquants sont considérés comme passibles d'une peine à la hauteur de leur faute. L'augmentation des cas de rage de l'air est peut-être révélateur d'un stress aérien toujours plus important, ou bien d'un changement général dans la société. "Je crois que cela reflète ce dont nous sommes tous témoins sur la terre ferme", commente Baum. "Il y a érosion de la discipline dans notre société, ce qui se traduit par un manque de respect général pour les figures d'autorité de la même manière que les enseignants, policiers et infirmières qui doivent chaque jour faire face à des individus désobéissants".

La spéculation actuelle consiste à savoir si l'utilisation des téléphones portables à bord (ce qui commence à devenir une réalité pour certaines compagnies aériennes) pourrait devenir un nouvel élément déclencheur de la rage de l'air, mais selon la BALPA, aucun incident n'a encore été signalé.

Que faire si vous craignez d'exploser en plein vol. Les experts conseillent d'avoir une bonne nuit de sommeil avant le voyage, d'éviter l'alcool, et de se préparer à l'avance à d'éventuels retards ou problèmes (d'autres conseils sur FLIGHT ).

Mais le professeur Bor met avant tout en garde contre le fait de mettre la barre trop haut, une caractéristique qui s'applique tout particulièrement aux passagers en classe affaires. "On distingue souvent deux types de voyageurs en classe affaires : ceux qui attendent calmement sans prêter attention à ce qu'il se passe autour d'eux et ceux qui, peut-être là dans le cadre d'un programme de fidélisation, attendent une perfection absolue. Un retard de l'avion ou une nourriture pas extraordinaire sont susceptibles de les contrarier. Il ont un certain sens de leurs droits et pensent : 'J'ai payé très cher pour ce billet, je suis donc en droit d'attendre la perfection', ce qui ne s'applique pas à d'autres domaines de la vie".



TOP 10 DES CAS DE RAGE DE L'AIR



13 JUIN 2002 : ANCHORAGE

William Mullis a été arrêté suite à la déviation de son vol Northwest Detroit-Osaka. En état d'ébriété, il aurait commencé par s'en prendre à une hôtesse puis aurait traversé l'avion en embrassant les bébés d'autres passager et en injuriant les voyageurs, avant d'aller fumer dans les toilettes.

20 AOUT 2002 : BRUXELLES
Un vol Air France à destination de Oslo a dû se poser à Bruxelles après qu'un passager nu, Français mais d'origine tunisienne, a tenté de prendre le poste de pilotage d'assaut.

16 AOUT 2002 : ORLANDO

Après avoir bu une bouteille de whisky à bord d'un vol Air 2000 de Manchester à la Floride, Victor Mardell aurait menacé de tuer les autres passagers. Il a par la suite tenté d'étouffer une hôtesse de l'air avant d'en précipiter une deuxième contre les toilettes.

27 MAI 2005 : ILES SHETLAND
Sœur Ruth Auguste, religieuse franciscaine de 64 ans, a été interdite d'embarquement sur deux vols British Airways de l'aéroport de Sumburgh pour Aberdeen. Elle a commencé à devenir violente quand elle s'est vu refuser le droit d'emmener une statue de la Vierge Marie de 61 cm dans l'avion.

10 SEPTEMBRE 2005 : LONDRES
Un directeur de Samsung Electronics de 48 ans, identifié comme étant monsieur So, a été arrêté à son arrivée à Londres sur un vol Korean Air. On l'accuse d'avoir enlevé ses chaussettes et lavé ses pieds avec une serviette mouillée, avant de s'être dirigé vers la cuisine et de s'y être lavé les pieds avec de l'eau potable. Il a ensuite fait un croche-pied à un agent de bord et a harcelé sexuellement des hôtesses de l'air avant de jeter ses chaussettes dans le chariot alimentaire.

27 NOVEMBRE 2005 : CLEVELAND

Raviram Kishore Malla a été accusé de harcèlement sexuel sur la passagère d'un vol Southwest Airlines de Las Vegas à Cleveland. La passagère se serait endormie avant de se réveiller pour trouver son voisin entre ses jambes en train de lui toucher les seins.

27 DECEMBRE 2005 : PORTO SANTO

David Wilson a causé une escale du vol Monarch sur l'île isolée de Porto Santo. Wilson, qui aurait injurié l'équipage qui lui refusait une bouteille de vin sur le vol de Manchester à Tenerife, a été laissé sur la piste avec ses bagages.

12 DECEMBRE 2005 : BERMUDES

Un couple voyageant en classe affaires sur un vol British Airways Gatwick-Jamaïque a été surpris en train d'avoir des relations sexuelles dans les toilettes. Après avoir été invités à reprendre leur place, ils ont attaqué l'équipage, ce qui leur a valu d'être immobilisés à l'aide d'une paire de menottes.

10 NOVEMBRE 2006 : LONDRES
Un passager ivre a agressé deux membres d'équipage sur un vol Eva Air de Bangkok à Londres - il a jeté l'un d'eux sur les sièges et a frappé l'autre. Un autre passager, Mark Black, s'est précipité pour leur porter assistance avant de recevoir "une gifle sur le menton". Black a reçu une ovation de la part des autres passagers et une bouteille de champagne de la part de l'équipage.

12 JANVIER 2007 : CINCINNATI
Sur un vol Delta Airlines en provenance de Orlando, un homme de 81 ans aurait pris un journal et un stylo dans le sac d'une hôtesse de l'air afin de faire les mots croisés. Lorsque l'hôtesse est venue réclamer ses biens, il l'aurait frappée avec le journal.

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